Promotion et rayonnement de la langue française.

Maintenir la qualité de notre langue, sans laxisme ni purisme.

Food trucks Pasta box

Food trucks 
Dans l’édition de  La Croix du 27 janvier (page 13), on retrouve un anglicisme qui, personnellement, m’écorche les oreilles même si la journaliste Elise Descamps met l’expression anglo-saxonne entre guillemets sans doute pour prendre ses distances, mais distances qu’elle n’aurait pas besoin de manifester si elle employait les mots français sans céder à la mode ambiante, et que, d’ailleurs, elle ne prend même plus dans le corps du texte : « Food truck » ! Et, bien sûr, toujours selon la théorie du carreau cassé (voir un de mes précédents courriels), d’autres anglicismes suivent dans vergogne : « snack » ou « pasta box » (avec ou sans guillemets mais de toute façon, monsieur Guillemet, qui inventa ces signes de ponctuation, doit se retourner dans sa tombe devant une telle utilisation).
 Il est tout de même affligeant que, dans le pays de la gastronomie (pardon, du « fooding »), on se laisse aller à de tels anglicismes de pacotille. Est-il si difficile de parler de camion restaurant (et pas seulement de restauration rapide comme le traduit la journaliste dans l’article car certains de ces camions de restauration proposent déjà des plats élaborés) - que d’ailleurs, soit-dit en passant, les anglo-saxons désigneront plutôt par « catering van » -  ou de grignotage à la place de « Snack », voire de boîte à pâtes au lieu de « pasta box », etc.
 Ah oui, je vous vois venir : « food truck » est plus court que camion restaurant, ou « snack » plus rapide à dire que grignotage,… Ah, évidemment, si vous êtes à un centième de seconde près… Et puis si ça vous épuise de dire camion restaurant à la place de « food truck » ou grignotage à la place de « snack », je comprends bien… Remarquez que je connais des gens qui le font et aucun, à ma connaissance, n’est encore mort d’épuisement…
 Merci de transmettre ce courriel (et non ce “mail”) à qui de droit,
 Avec mes amicales salutations,
 Alain Sulmon

Dur-à-cuire


                           Pour les durs-à-cuire, Pas pour les coquins !

C’est toujours avec grand plaisir que je viens vous rejoindre pour partager un des secrets que l’on a su me faire découvrir « du temps que j’étais jeune »… Mais il n’est pas certain que je sache vraiment vous faire goûter une part des trésors de notre belle langue et de son histoire, belle mais qui exige mille précautions pour être approchée, pénétrée. Mais vous avez un corps professoral qui ne demandera pas mieux à petit feu, que de rendre ces articles moins « indigestes », moins durs ou moins coriaces, mais sans les édulcorer, les ramollir…

Toutes les voix du monde (2)


   En français, toutes les voix du monde (2)

Après le continent américain, tournons-nous maintenant vers l’Asie, et plus précisément pour ce qui concerne le présent article vers l’Extrême-Orient (le Proche-Orient donneront lieu à un autre article). Pourrait-il vraiment y avoir dans ces vastes régions du monde où le français n’est pas une langue officielle, ni même une langue vernaculaire, des écrivains de langue française ? Il en est beaucoup !
Nous avons vu dans un article précédent que le premier écrivain d’origine chinoise, Gao Xingjiang, à obtenir le Prix Nobel en 2000, était passé par la langue française, et c’est bien sûr un grand honneur pour notre culture que d’avoir été le vecteur de l’éclosion et de la reconnaissance de son talent. Dans son discours de réception du Prix Nobel, Gao Xingjiang compare les langues chinoise et française : « Les structures des deux langues sont tellement différentes. La phrase chinoise est très hachée. Quatre mots suffisent amplement à faire une phrase. … En français, les phrases sont tellement longues et enchaînées. La musicalité de la  langue dépend beaucoup de cet enchaînement syllabique, des allitérations, tandis qu’en chinois c’est une question de tonalité. Il n’y a guère de correspondance ». Imagine-t-on un auteur français obtenir le prix Nobel grâce à ses écrits en chinois ? Mais, penserez-vous, peut-être s’agit-il d’un cas isolé ? Eh bien, certainement pas : le chinois d’origine François Cheng (naturalisé français en 1971) a été élu à l’académie française en 2003 «  le français comporte une exigence de cohérence, de précision et de nuance qui m’a permis de clarifier et d’affiner ma pensée ». (Le Dialogue. Une passion pour la langue française). Citons encore Dai Sijie (Trois vies chinoises) qui déclare écrire en français car « c’est simplement la meilleure langue pour écrire des histoires ». Et il est bien d’autres auteurs : Dong Qiang qui a reçu en 2013 le Grande Médaille de la Francophonie par l’Académie Française, Chen Jitong, les romancières Ying Chen (Un enfant à ma porte paru aux éditions du Seuil) et Shan Sa (Le joueur de go chez Grasset), etc.
De même, un autre grand pays de l’Extrême-Orient pourtant apparemment bien éloigné géographiquement et culturellement de notre littérature, le Japon, apporte aussi sa contribution à la fécondité à la langue française dans le monde grâce un certain nombre d’écrivains : Ainsi Aki Shimasaki (Zakuro paru chez Actes Sud) : « j’ai été fascinée par la langue française à travers Agota Kristof (ndlr : romancière hongroise qui a écrit ses romans en français et qui vécut longtemps à Neuchâtel en Suisse), par son style si simple et si limpide, alors j’ai décidé d’écrire directement en français » ; ou encore Akira Mizubayashi, qui enseigne le français à l'université de Tokyo et rédige ses livres en français, dont Une langue venue d'ailleurs (chez Gallimard). Il vient juste de publier Un amour de mille ans (Gallimard) : « Sen-nen, de son côté, parla à Mathilde de sa passion pour le français qu'il s'efforçait de maîtriser, mais aussi pour certains monuments littéraires que cette langue avait produits. Le français était pour lui la langue de l'amitié et de l'épanchement alors que la langue qui se parlait en lui était la langue de la retenue, de la soumission, du respect imposé. L'effort d'appropriation du français était donc un affranchissement, une expérience de la liberté qui lui permettait de vivre autrement son rapport à l'autre, au monde, de s'arracher au moule de sa langue et des codes culturels qu'elle véhiculait. Le français, concluait-il, était un instrument de musique qu'il voulait faire chanter. » Citons encore Junji Fuseya, Ninomiya Masayuki, Hisahi Okuyamo, etc.
Sans nous attarder sur d’autres pays de l‘Asie lointaine, mentionnons également les écrivains indiens Kichennemasamy Madavane ou la romancière Shumona Sinha qui déclare que son pays n’est ni l’Inde, ni la France, mais la langue française. On peut également évoquer les écrivaines d’origine coréenne Laure Mi Hyun Crozet et tibétaine Tenzin Wangmo qui vivent actuellement toutes les deux en Suisse.
Et on ne peut cependant pas clore cet article sans parler des écrivains vietnamiens qui représentent un cas particulier puisqu’ils ont été en contact avec le français par la voie de la colonisation : Phan Van Ky (grand Prix de l’Académie Française en 1961 pour Perdre la demeure), Linda Lê (Prix Renaudot du livre de poche en 2011 pour A l’enfant que je n’aurai pas), Nguyêng Xûan Hùng, Sabine Huynh, etc. Couronnée en 2017 du prix Littérature-Monde à Saint Malo, Anna Moï s’était insurgée dès 2005 contre la distinction entre « écrivains français » et « écrivains francophones » ; interrogée récemment par un journaliste sur son choix d’écrire dans notre langue alors qu’elle est polyglotte : « Pourquoi écrivez-vous dans la langue du colonisateur ? », elle apporte une réponse cinglante : « Je n’écris pas dans la langue du colonisateur, j’écris en français ! ».
A la fin de ce second article, nous commençons sans doute à mieux apercevoir la réalité de la francophonie mondiale. Comme nous le dit Lydie moudileno, professeur de littérature française à l’université américaine de Berkeley : « Nous avons sauvé l’étude de la littérature française dans les universités américaines grâce à la littérature francophone qui, pour nous, raconte le monde ». Cette littérature francophone du monde prend encore une autre ampleur au Proche-Orient, où l’on pourrait peut-être même parler d’une « francophonie latente » ; elle fera l’objet de notre troisième et prochain article.

Alain SULMON
Délégation du Gard
 Publié sur Site DLF GARD  le 3/12/17  
 Publié sur la revue DLF N° 266 4° trim 2017




Bizarreries sémantiques du français

1° Propositions d’Alain Sulmon
· Le plus long mot palindrome de la langue française est « ressasser ». C'est-à-dire qu’il se lit dans les deux sens.
· « Institutionnalisation » est le plus long lipogramme en « e ». C'est-à-dire qu'il ne comporte aucun « e ».
· L'anagramme de « guérison » est « soigneur » C'est-à-dire que le mot comprend les mêmes lettres.
· « Endolori » est l'anagramme de son antonyme « indolore », ce qui est paradoxal.
· « Squelette » est le seul mot masculin qui se finit en « ette ».
· « Où » est le seul mot contenant un « u » avec un accent grave. Il a aussi une touche de clavier à lui tout seul !
· Le mot « simple » ne rime avec aucun autre mot. Tout comme « triomphe », « quatorze », « quinze », « pauvre », « meurtre , « monstre », « belge », « goinfre » ou « larve ».
· « Oiseaux » est, avec 7 lettres, le plus long mot dont on ne prononce aucune des lettres : [o], [i], [s], [e], [a], [u], [x] .
. « oiseau » est aussi le plus petit mot de langue française contenant toutes les voyelles.

2° Supplément proposé par Bernard Legrand (décembre 2017)
Le plus long mot palindrome de la langue française est « ressasser ».  C'est-à-dire qu'il se lit dans les deux sens.

 
« Institutionnalisation » est le plus long lipogramme en « e ».  C'est-à-dire qu'il ne comporte aucun « e ». 
 
« Délice », « amour » et « orgue » ont la particularité d'être de genre masculin et deviennent féminin à la forme plurielle. Toutefois, peu sont ceux qui acceptent l'amour au pluriel. C'est ainsi ! 


Le sexe des mots

           Le Sexe des mots ou l’orthographe prétendument inclusive 

Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges. Le français achèvera de se décomposer dans l’illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots.

La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu’il n’existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l’allemand. D’où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins. Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent, laquelle peut être un homme.

Homme, d’ailleurs, s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle. Confondre les deux relève d’une incompétence qui condamne à l’embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille.

De sexe féminin, il lui arrive d’être un mannequin, un tyran ou un génie. Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l’homme aux hommes ?

Absurde!

Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.

Certains mots sont précédés d’articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu’à l’autre. On dit: « Madame de Sévigné est un grand écrivain » et « Rémy de Goumont est une plume brillante ». On dit le garde des Sceaux, même quand c’est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme.

Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres. Accoler à un substantif un article d’un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n’est qu’une banale faute d’accord et de goût.

Certains substantifs se féminisent tout naturellement: une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse. Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme. Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c’est une femme. Il est aussi une excellence, même quand c’est un homme. L’usage est le maître suprême.

Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale. Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l’opportunisme des politiques. L’Etat n’a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire. Il tombe en outre dans l’abus de pouvoir quand il utilise l’école publique pour imposer ses oukases langagiers à tout une jeunesse.

J’ai entendu objecter: « Vaugelas, au XVIIe siècle, n’a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française ? ». Certes. Mais Vaugelas n’était pas ministre. Ce n’était qu’un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n’avait pas les moyens d’imposer ses lubies aux enfants. Il n’était pas Richelieu, lequel n’a jamais tranché personnellement de questions de langues.

Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d’abord à ce qu’on l’enseigne en classe, ensuite à ce que l’audiovisuel public, placé sous sa coupe, n’accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants. La société française a progressé vers l’égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique. Les coupables de cette honte croient s’amnistier (ils en ont l’habitude) en torturant la grammaire.

Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique: faire avancer le féminin faute d’avoir fait avancer les femmes


  Jean-François Revel (Le Point 11/07/1998 modifié le 25.01/2007)

        Publié sur le site DLF-GARD le 2/12/2017




Vive les vacances


     Vive les vacances

      Quand les vacances rejoignent l’école… ! Vous avez bien retenu que ? dans l’Antiquité, l’école s’offrait comme un temps réservé à une activité de loisir, donc sans obligation de « travail » physique pénible, comme un temps où l’on s’adonnait aux jeux de l’esprit…Vous en êtes désormais bien convaincus, de par votre longue expérience à l’Institut ! Alors, on peut rester sur la lancée et parler des vacances… La racine latine du mot nous renvoie à un adjectif vacuus qui signifie vide, pour une chose, un bien, un lieu, par conséquent signifie inoccupé, libre. Le verbe qui en dérive, (vaco, vacare) reprend ces significations dans le verbe vaquer, qui curieusement va signifier deux choses contradictoires !!! :
1-      être vacant, être libre, sans occupant ou sans occupation (donc ne rien faire).
2-      vaquer à ses occupations… (donc faire quelque chose) !

      1 - Le participe présent vacant  vous est sans doute déjà connu. Il y a vacance (au singulier) lorsqu’un poste n’est pas ou n’est plus pourvu d’un titulaire : le poste est dit vacant. L’Histoire de France évoque par exemple la question de la Vacance des évêchés, période qui s’étendait de la mort ou du départ de l’évêque titulaire du siège (cathèdre) jusqu’à la nomination du successeur. Durant cette période, le roi de France percevait les revenus de l’évêché, façon de hâter la nomination du successeur par le pape à Rome, mais successeur d’abord choisi et imposé par le roi de France !... Cela s’applique encore à l’absence de titulaires nommés à des postes importants de l’administration. Or pendant ce temps, il n’y a pas d’activités relevant de la compétence du titulaire…La vacance implique donc une période où le travail n’est pas effectué : c’est une période sans travail.
           
      Par extension, on parlera de vacance pour désigner la cessation temporaire de tout travail… et le terme deviendra vite synonyme de congé. Il y aura des « jours de vacance » comme des « jours de congé ». Mais que c’est long à dire ! Au lieu de dire les jours de vacance, on dira « les vavances », comme « les congés ». Les vacances recevront désormais les honneurs du pluriel et désigneront une période vide de travail…Si bien que pendant longtemps on écrira : « vivent les vacances !», sous entendu « que vivent les vacances !», qu’elles ne meurent jamais ! Car il s’agit d’un souhait exprimé au subjonctif pluriel. L’orthographe populaire a fini par imposer le singulier dans ce genre de souhait, davantage perçu comme un cri traduisant de l’enthousiasme. Vous écrirez donc « Vive les vacances !»… ce n’est plus une faute.

     2 – Alors, pourquoi dit-on « vaquer à ses occupations » si la vacance signifie … absence d’occupations !? Tout simplement parce que si vous « vaquez », donc que vous n’êtes pas obligés de faire votre travail habituel, pendant cette période « vide » de vos obligations ordinaires, vous pouvez vous consacrer à vos propres occupations… de loisir éventuellement.

      Sur ce, avant que vous reveniez ‘plancher’, (mais sans voiles), on souhaite que vos prochaines vacances se vivent pour tous dans la joie, le repos, le loisir, sans oublier l’exceptionnel bonheur de faire plaisir autour de soi…


                                                                                                                                 Yves Barrême

Pléonasme





Le pléonasme.

( du grec pleonasmos = surabondance, excès, exagération)
             Et comme l’excès en tout est un défaut…nous dit un dicton populaire…

            Savez-vous que c’est d’abord une figure de style, courante au niveau du langage populaire. Elle consiste à intensifier  ou à renforcer la portée d’un mot en lui adjoignant  ou en lui ajoutant, si vous préférez, un autre terme de sens très voisin. Il s’agit d’une construction « redondante », proche de la répétition ou du redoublement, qui cherche à souligner la valeur de ce que l’on dit. C’est la démarche à laquelle on assiste lorsque la plupart de nos contemporains français s’expriment en ajoutant « super », « hyper »…pour attirer l’attention sur ce qu’ils racontent et qui, bien sûr, ne saurait être banal… pardi !
       Ex : Julot rentre de vacances avec des chaussures neuves ; il les montre à ses copains qui ne sont guère éblouis…Bof ! Alors, Julot rajoute : « ces pompes sont hyper-chères ! Elles sont super-belles !»
Inévitablement les yeux des copains s’écarquillent d’admiration répondant à l’effet désiré par Julot qui eût pu dire simplement : elles sont chères…ou ont coûté cher ; elles sont (très) belles.
            Cette attitude se retrouve dans des pléonasmes courants, le plus souvent « vicieux » comme dans « je monte en haut »… « Vous devez prévoir à l’avance… »
Vicieuses sont ces figures de style, tout simplement parce que le second terme n’ajoute absolument rien à ce que contenait le premier terme comme pour « monter » qui implique déjà un mouvement vers le haut...
Tous les pléonasmes ne sont pas fautifs ou vicieux ; « il est resté enfermé dans la voiture » est acceptable, différent  de « il s’est enfermé dedans » : cette dernière construction porte un vice, puisque dedans n’ajoute rien à enfermé.
Figurez-vous que certains pléonasmes sont entrés dans des expressions courantes, toutes faites, comme « aujourd’hui ».Nos aïeux, mauvais élèves, y avaient perdu leur latin : ils ne savaient plus que le mot « hui » venait du latin hoc + die, ce qui signifie « ce + jour »… Dormaient-ils à l’école ?...où « séchaient »-ils déjà les cours ?
En tout cas, ils éprouvèrent le besoin de préciser leur pensée en ajoutant « au jour » d’(e) ce jour » (pléonasme!!) qui a donné « aujourd’hui »
            Ce terme est entré dans notre langue et ne pèse plus comme pléonasme vicieux ou vicié. Soit !
Mais curieusement, à notre époque où l’étude de la langue française est « généralisée »…, on entend de plus en plus prononcer une expression fort discutable : « aux jours d’aujourd’hui ». Ce n’est plus un pléonasme, mais une rafale de pléonasmes qui ressemble un peu au chien qui court après sa queue…Certes, aujourd’hui signifie aussi maintenant, actuellement, de nos jours.  Mais pourquoi ne pas chercher à gagner en beauté de style, en légèreté, par le recours à cette dernière expression, « de nos jours », simple et plus élégante ? A moins qu’un ministre  vous suggère de dire nowadays…que tout le monde comprendra mieux, c’est certain

Yves BARRÊME.



à la queue leu leu




Chaîne que l’on forme en dansant, lors d’un bien long repas de noces, bien  arrosé, comme pour réveiller une ambiance qui tendrait à s’assoupir.
Si l’expression leu leu fait un peu nian nian, elle s’éclaire cependant un peu par son histoire.
Le  deuxième mot leu est tout simplement une forme ancienne du mot loup. (du latin lupus). (cf. Saint-Leu-La-Forêt, en région parisienne.) L’expression a d’abord été le leu, (= le loup) dans à la queue le leu, par comparaison aux loups en meutes, qui se déplacent en file indienne, la tête de l’un se trouvant derrière la queue de l’autre : à la queue le loup. 

Le langage populaire a tendance à réduire les nuances sonores au même « dénominateur ». De ce fait, on n’a plus distingué le de leu, (comme on doit le faire pour un œuf, des œufs). Par exemple, aujourd’hui, dans le Midi, on ne distingue plus mes de mais… (Dit  ou écrit sans intention moqueuse ou méprisante à l’égard des Méridionaux !) et en région parisienne, on ne distingue plus guère en, an et on. Il n’est qu’à écouter les présentateurs de nos chaînes télévisées : « ils travaillent en Fronce avec paronts et onfonts » Ca fait bien… ! mais plutôt un peu « cul-cul ».


Yves Barrême Juillet 2017

Harcèlement textuel

La langue française est-elle victime de harcèlement textuel ?

Il y a en ce moment un véritable déferlement médiatique qui concerne le harcèlement subi par des femmes de toutes conditions et de tous horizons à tel point qu’on en vient à considérer que le mâle est devenu le mal (incarné). Une féministe américaine a même récemment proposé de tuer tous les bébés masculins à leur naissance…
Mais là n’est pas notre propos puisque cette polémique nous permet de vérifier que le « h » aspiré, institution bien française, est en péril. En effet, sur les radios, à la télévision, on ne cesse d’accuser les auteurs et de plaindre les victimes « d’harcèlement sexuel »,  à crier « haro » (avec un h aspiré) sur le beau dais en vilipendant sans cesse les pratiques « d’harcèlement sexuel » courantes, semble-t-il, dans le monde de l’entreprise, du spectacle, de la politique…, bref à dénoncer les conduites de tous poils (si l’on peut dire !) réduisant la femme à son état d’obscur objet du désir. Même la presse écrite (Libération, L’Obs, Paris Match, Le Parisien,…) s’y met et ce « d’harcèlement » ne semble plus désormais choquer grand ‘monde.
Pourtant rappelons la règle : le « h » aspiré interdit la liaison avec le mot qui le précède ainsi que l’élision (c’est-à-dire le remplacement de la voyelle du déterminant ou de la préposition qui le précède par une apostrophe). Cette exception à l’élision porte même un nom : la disjonction.
Est-ce à dire que le « h » aspiré est en voie de disparition ? Pas si nous dénonçons  haut et fort son mauvais emploi, ce qui ne peut se faire que par un moyen : que chacun de nous devienne « le harceleur » des fauteurs de trouble et se mette sans relâche (et sans relaxe) à les… apostropher !

Diffusé le 16/11/2017

                      Alain Sulmon

CSA Sonia Richard

Monsieur le Président du CSA
Tour Mirabeau
39-43 quai André Citroën
75739 Paris Cedex 15
Marseille le 2 mars 2017
Monsieur le Président,

Faisant écho à la lettre de protestation que vous a adressé le représentant de la défense de la langue française (dfl) du Gard, concernant la pléthore d'anglicismes et américanismes que les divers médias en France utilisent, je voulais m'indigner de la situation d'affaiblissement dans laquelle l'un des médias les plus représentatifs de la France et sa culture, la télévision française place notre belle langue.
Nous assistons à une acculturation insidieuse, par le franglais, mais déjà bien ancrée dans les mœurs : snobisme ou élitisme de la capitale des grandes villes françaises ? C'est ignorer le riche patrimoine littéraire que porte la langue française et pour la francophonie ce qu'elle représente.
Je le ressens d'autant plus que j'ai moi-même enseigné l'anglais et suis une ardente partisane de la préservation des cultures et de leurs véhicules linguistiques marqueurs de leurs identités propres.
Issue également de la diversité culturelle, je suis pour le respect de toutes les cultures. Au même titre que nous pensons biodiversité aujourd'hui, nous devons penser que la préservation de la langue est un marqueur de la diversité culturelle humaine.
Nous ne voulons pas tomber dans les excès de la mondialisation, qui fait du modèle courant, bas de gamme la norme pour tout. Nous ne voulons pas perdre notre âme dans une supra-nation à la culture consumériste, dans laquelle seuls les scores de l'audimat comptent et où les cultures historiques des peuples se dissoudraient.
En étant à l'avant-garde de la communication, la télévision française devrait être la garante de notre identité et être témoin de toutes les autres cultures aussi pour garder un monde divers, riche de ses différences où l'humanité entière peut trouver des sources d'inspiration, d'intelligence et d'émerveillement.
En portant à votre attention ce débordement inacceptable, car rien n'est fait pour endiguer ce mal de façon claire et ainsi porter à la connaissance de tous les citoyens et résidents de France que parler français est un privilège, que chacun de nous en sommes les récipiendaires et les gardiens, je tiens par mon témoignage vous dire, Monsieur le Président du CSA, combien votre autorité devrait investir cette mission si chère à tous ceux en France comme à l'étranger qui regardent le rayonnement du phare qu'est la langue française.

Avec toute ma considération, je vous prie d'agréer mes sincères salutations.

Sonia R

Le mot le plus long

Quel est vraiment le mot le plus long de la langue française ?

Lorsque l’on cherche dans un dictionnaire courant on trouve généralement que le mot le plus long en français est «  anticonstitutionnellement «  (25 lettres). Mais la langue évoluant toujours, il est en fait détrôné par d’autres mots de registres beaucoup plus spécialisés comme la médecine ou la biologie ou l’administration…
-  aminométhylpyrimidinylhydroxyéthylméthythiazolium   (49 lettres)
_  déconstitutionnaliseraient «  (26 lettres)
-  électro-encéphalographiquement (29 lettres)
-  œsophago-gastro-duodénoscopie   (27 lettres)
-  glycosylphosphatidyléthanolamine   (32 lettres)
-  hexakosioihexekontahexaphobie   (29 lettres)
-  hexakosioihexekontahexaphobique   (31 lettres)
-  interdépartementalisation   (25 lettres)
-  mittelschaeffolsheimoises   (25 lettres), habitantes de «  Mittelschaeffolsheim «  (Bas-Rhin)
-  myélosaccoradiculographie   (25 lettres)
-  myélosaccoradiculographique   (27 lettres)
-  niederschaeffolsheimoises   (25 lettres), habitantes de «  Niederschaeffolsheim «  (Bas-Rhin)
-  oligoasthénotératospermie   (25 lettres)
-  pseudohypoparathyroïdisme   (25 lettres)
-  psychopharmacothérapeutique   (27 lettres)

                                                          Qui dit mieux ?


Toutes les voix du monde


                         En français, toutes les voix du monde (1)
Contrairement à ce que certains croient, la langue française continue de rayonner dans le monde et d’attirer à elle de nombreux locuteurs de tous les continents, notamment des écrivains qui ont décidé de s’exprimer dans la langue de Molière. Le présent article et les suivants ont pour but d’en apporter l’illustration et d’engager une réflexion pour en comprendre les raisons. Nous allons donc faire un tour du monde de ceux – ou du moins de quelques-uns de ceux - qui ont choisi d’écrire en français, afin de découvrit la réalité et la vitalité de la langue française dans le monde.
Commençons par le continent américain où le français a longtemps damé le pion à l’anglais. Nous ne nous attarderons pas sur le Québec ni sur le Canada francophone car nous savons déjà que le français y est d’une vivacité et d’une fécondité connues et reconnues et que ces contrées constituent un socle de la francophonie dans le Nouveau Monde. Citons juste l’écrivain Naïm Kazan, Irakien natif de Bagdad : « C’est ici à Montréal que j’ai commencé à vivre aussi les dimensions planétaires du français. Vulnérable, parfois en perte de vitesse, le français, sans perdre ses assises au Canada, au Québec comme en France et ailleurs, donne la structure, établit la continuité d’une chaîne qui s’étend de l’Asie à l’Afrique, du Proche-Orient aux Caraïbes. La francophonie est un phénomène nouveau dont l’épanouissement ne fait que commencer » (Revue des deux mondes).
Tournons-nous vers l’Amérique anglo-saxonne : rappelons-nous l’Américain Julien Green qui fut élu à l’Académie Française en 1971 : « Ma vraie personnalité ne peut guère s’exprimer qu’en français ; l’autre est une personnalité d’emprunt et comme imposée par la langue anglaise » (L’œil de l’ouragan, Journal IV). Dans son sillage, plusieurs écrivains nord-américains ont opté pour le français ; ainsi le jeune Jonathan Littell (prix Goncourt 2006 et dont le père, Robert Littell, est auteur à succès de romans policiers américains). Et il en est bien d’autres telle la romancière canadienne anglophone Nancy Huston (Lignes de faille paru chez Actes Sud) : « C’est une grande dame la langue française. Une reine belle et puissante… Elle est intarissable. La langue française, une fois qu’elle se lance, plus moyen d’en placer une » (Nord Perdu chez Actes Sud). Faisons encore un sort particulier au cinéaste et dramaturge Eugene Green (la reconstruction paru chez Actes Sud) qui, clamant sa profonde admiration pour la langue française, refuse dorénavant d’écrire un seul mot en anglais et ne s’exprime plus qu’en français parce que c’est la langue, dit-il, qui donne une véritable "identité universelle", parce qu’ "écrire en français est un acte de résistance contre la domination d’une culture monolithique" ; il va même jusqu’à "franciser" les mots de la vie courante comme ouiquende (pour week-end), quoqualaït (pour coca-light), tramouais (pour tramway), etc., et dire que c’est un Américain qui nous le fait….
Bien sûr, l’Amérique du Sud n’est pas en reste car le français a toujours séduit de nombreux auteurs latino-américains, sensibles à la beauté et aux valeurs sous-tendues par notre langue. Pensons aux Cubains José-Maria de Hérédia ou  Armand Godoy, sans parler de Jules Supervielle, banquier à Montevideo en Uruguay et poète intensément français. L’Argentin Hector Bianchetti (élu à l’Académie Française en 1996) nous l’explicite sans ambages : « le français est la langue de ce qui est peut-être la plus grande littérature du monde…Dès qu’il est question de culture, nous nous tournons vers l’Europe, vers la France en premier lieu, qui en est le cœur et le cerveau » (Sans la miséricorde du Christ chez Gallimard). Et beaucoup d’autres  déclarent être tombés amoureux de la langue française comme le Cubain Eduardo Manet qui affirme : "Lorsque j’ai décidé de changer de langue, je maîtrisais parfaitement l’anglais et j’aurais pu l’adopter très facilement, mais c’est le français qui m’est apparu comme la langue de l’écriture et de la liberté. Pour nous latino-américains, c’est une évidence". Ouvrons une parenthèse aux prix Nobel de littérature sud-américains : tous, sans exception, ont été directement influencés par la littérature française et tous ont côtoyé, à un moment donné de leur existence, les milieux littéraires français : la Chilienne Gabriela Mistral (1945), le Guatémaltèque Miguel Angel Asturias (1967), le Chilien Pablo Neruda (1971),  le Colombien Gabriel Garcia Marquez (1982), le Mexicain Octavio Paz (1990), le Péruvien Mario Vargas Llosa (2010).
Il faut enfin accorder une place particulière à la littérature haïtienne, particulièrement active et rayonnant sur tout le continent américain : Dany Laferrière (élu à l’académie française en 2013) est le chef de file d’une liste d’écrivains pratiquant un véritable activisme littéraire  : revues (Intranqu’illités, Legs et littérature, …), carnets littéraires, émissions de télévision et de radio (vendredis littéraires, ateliers du jeudi…), ouvrages collectifs, paraissent sous les noms de James Noël (La migration des murs publié chez Galaade), René Depestre (Bref éloge de la langue française – Anthologie personnelle paru chez Actes Sud), Lyonel Trouillot, Faubert, Bolivar, Inéma Jeudi, Auguste Bonel, Mehdi Chalmers et d’autres encore.

Si, comme l’écrit l’écrivain espagnol d’expression française Michel del Castillo : « La survie d’une langue se forge plus à travers la littérature qu’à travers les échanges commerciaux internationaux », nous pouvons, comme lui, ajouter que : « La langue française se porte comme un charme car lorsqu’un étranger choisit cette langue pour écrire, il me semble qu’il s’agit du plus bel hommage qui soit ». Nous verrons, dans les articles suivants, qu’ils sont légion sur les autres continents.

Alain SULMON,
Délégation du Gard


Quand le français occupe le devant de la scène


Après le cinéma et la bande dessinée, explorons un autre mode d’expression populaire le théâtre, non pas celui qui met en scène la langue de Molière, mais celui que l’on va voir en arpentant les rues de Paris, le théâtre de boulevard. Au commencement, il y avait les théâtres des boulevards, le premier au boulevard du Temple, puis un autre au boulevard Saint-Martin, puis d'autres encore au boulevard de La Madeleine, et sur les boulevards extérieurs jusqu'aux Batignolles et au faubourg Saint-Denis. L'ablation du pluriel a donné naissance à un genre  bien particulier, le théâtre de boulevard.
Georges Courteline (1858-1929), l'un des maîtres du genre, nous en annonce la couleur : "Les mots me font l'effet d'un pensionnat de petits garçons que la phrase mène en promenade", le Théâtre de Boulevard est d'abord un style littéraire, avant même d'être une - féroce – comédie de mœurs connue aussi sous une autre dénomination, le Vaudeville, c'est-à-dire le plus souvent l'inévitable histoire de la femme infidèle et de l'époux bafoué - ou inversement -, mais plutôt dans ce sens-là  parce que les auteurs y sont surtout des hommes ; dans cette comédie de mœurs, chacun en prend pour son grade pourvu que la phrase qui le fustige soit propre à le ridiculiser : "J'ai connu une femme qui voulait divorcer pour ne pas rester l'épouse d'un mari trompé ". Tous les défauts de la nature humaine défilent et sont tournés en dérision, en distinguant si possible ceux des hommes et ceux des femmes, pour en augmenter l'effet comique aux yeux d'une moitié du public, se gaussant de l'autre : " L'homme est le seul mâle qui botte sa femme. Il est donc le plus brutal des mâles... à moins que, de toutes les femelles, la femme ne soit la plus insupportable ". Le Théâtre de Boulevard n'est pas misogyne puisqu'il tire sur tout ce qui bouge, justement pour faire rire de tout, parce que "Le théâtre, c'est du carton et du plâtre, mais c'est la vie" nous dit Courteline: « - Seuls les idiots n'ont pas de doute.- Vous en êtes sûr ?- Mais c'est certain ! ». L'épitaphe que Georges Courteline fait graver sur sa propre tombe traduit bien la posture de dérision du Théâtre de Boulevard : "J'étais né pour rester jeune et j'ai eu l'avantage de m'en apercevoir le jour où j'ai cessé de l'être".
Le presque contemporain de Courteline, Eugène Labiche (1815-1888), n'est pas en reste de cette caricature de le nature humaine : " Il se lève tard, très tard, afin de contempler moins longtemps ses semblables " ou " si on disait toujours la vérité, on passerait sa vie à se dire des injures " (citations tirées de Le misanthrope et l'Auvergnat). Labiche a écrit 176 pièces ; la plus célèbre est sans doute Le voyage de monsieur Perrichon dont voici deux citations du même acabit : "L'ingratitude est une des variétés de l'orgueil " ou encore son pendant symétrique "Les hommes ne s'attachent point à nous en raison des services que nous leur rendons, mais en raison des services qu'ils nous rendent". Jean de La Bruyère n'est pas loin... Gaston Flaubert a pu écrire "Il y a une universalité chez Labiche, qui condense l'esprit français ". Et Bergson ajoutait " Labiche est l'auteur le plus cité après Molière et Cervantès".
Georges Feydeau arrive un peu plus tard (1862-1921) et rencontre un succès foudroyant : Tailleur pour dames, Un Fil à la patte, Le Dindon, La Dame de chez Maxim's, On purge bébé, Mais n'te promène donc pas toute nue, La Main passe, La Puce à l'oreille, Occupe-toi d'Amélie, Feu la Mère de Madame, Je ne trompe pas mon mari, etc. connaissent tous un succès phénoménal grâce à la même veine : " Il n'y a pas un drame humain qui n'offre quelques aspects très gais ", et encore cette prédilection pour les défauts supposés de la nature féminine (Le Dindon) : " Comment veux-tu que je te comprenne !... Tu parles à contre-jour, ... je ne vois pas ce que tu me dis ! " ou " Il n'y a que dans ces courts instants où la femme ne pense plus du tout à elle qu'on peut être sûr qu'elle dit vraiment ce qu'elle pense ", mais, rappelez-vous, l'homme est tout autant une cible de choix : " Il n'y a rien de menteur comme un homme, si ce n'est une femme."
Alfred Jarry, qui mourut jeune (1873-1907), est resté célèbre pour sa pièce Ubu-roi fondant le théâtre de l'Absurde qui va faire florès au XXème siècle. : " La liberté, c'est de n'arriver jamais à l'heure ". " Le courage est un état de calme et de tranquillité en présence d'un danger, état rigoureusement pareil à celui où l'on se trouve quand il n'y a pas de danger " (Viridis Candela). Alfred Jarry est l'inventeur du concept de "Pataphysique", science qui cherche à théoriser la déconstruction du réel et sa reconstruction par l'absurde. Dans son livre fondateur "Gestes et opinions du docteur faustroll, pataphysicien", il en donne la définition suivante : "La pataphysique est la science des solutions imaginaires, qui accorde aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité". En 1948, sera créé le Collège de Pataphysique qui édite des cahiers intitulés "Viridis Candela" (La chandelle verte en latin) auxquels collaboreront de très nombreux écrivains et artistes : James Joyce, André Gide, Max Jacob, René Clair, Fernando Arrabal, Salvador Dali, Boris Vian, Henri Jeanson, Pierre Mac-Orlan, Jacques Prévert, Raymond Queneau (L'Oulipo), Paul-Emile Victor, Umberto Eco, et beaucoup d'autres. Le Collège de Pataphysique existe aujourd'hui dans un certain nombre de pays et publie en diverses langues : Le London institute of Pataphysics a été créé en 2000. Le dernier en date a vu le jour en 2013 en Lituanie sous l'appellation Institutum Pataphysicum Vilniense.
Le chef de file du Théâtre de L'Absurde est incontestablement le Roumain Eugène Ionesco dont La cantatrice Chauve est jouée, sans discontinuer, au Théâtre de la Huchette à Paris depuis 1957 : "Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux". L'absurde se révèle être un moyen pour mettre en scène encore une autre satire du genre humain : " Il y a des choses qui viennent à l'esprit, même de ceux qui n'en ont pas ", et notamment pour dénoncer son instinct grégaire : " Les morts sont plus nombreux que les vivants et leur nombre augmente indéfiniment " (Le Rhinocéros). Le Théâtre de l'Absurde a fortement inspiré de nombreux écrivains ou auteurs du XXème siècle comme l'Italien Luigi Pirandello (prix Nobel de littérature en 1934 - Six personnages en quête d'auteur), l'Irlandais Samuel Beckett (prix Nobel de littérature en 1969 - En attendant Godot) ou, de l'autre côté de la manche, l'Anglais Harold Pinter (Prix Nobel de littérature en 2005 - La Mort aux naseaux), voire l'ancien président de la république tchèque Vaclav Havel (Le rapport dont vous êtes l'objet)...
Revenons au Théâtre du Boulevard proprement dit, qui a prospéré tout au long du XXème siècle et jusqu'à nos jours. Sacha Guitry (1885-1957), à la misogynie légendaire, y connut son heure de gloire: " Deux femmes qui s'embrassent me feront toujours penser à deux boxeurs qui se serrent la main " ou " Deux femmes finiront toujours par se mettre d'accord sur le dos d'une troisième ", mais tout de même toujours plus de misanthropie que de misogynie : " Il y a des gens sur qui on peut compter. Ce sont généralement des gens dont on n'a pas besoin ". Signe des temps, nombre de ses pièces vont être transposées au cinéma : Le Roman d'un tricheur (1936), Mon Père avait raison (1936), Désiré (1937), Quadrille (1938), etc. Le phénomène va s'amplifier dans les deux dernières décennies du XXème siècle. Les auteurs vont même souvent devenir des dialoguistes de films : Ainsi  André Roussin (1922-1991) : "Soldat inconnu, connais pas ... comme si vous me parliez peau-rouge. Et encore, les Peaux-Rouges, ils ont le bon goût d'enterrer la hache de guerre. Nous, c'est le guerrier qu'on enterre, mais le matériel, on le conserve". Rappelons-en quelques succès : La petite Hutte (1947), Lorsque l'enfant paraît (1951), la voyante (1963), La Vie est trop courte (1982), La petite chatte est morte (1987).
Il faut ici accorder une place spéciale à une femme qui va - enfin - connaître la notoriété et pouvoir, en quelque sorte, venger toutes ses consœurs ; voyez donc le titre de certaines de ses pièces : Les Bonshommes (1970), Un sale égoïste (1977), Si t'es beau, t'es c.. (1977), Monsieur de saint-Futile (1996),... imprégnées du même esprit persifleur, mais dans l'autre sens : " Beaucoup du charme des hommes est fait de l'ennui des femmes ! " Françoise Dorin va aussi renouveler en partie le genre en introduisant des sujets nouveaux comme la santé ou l'écologie, mais - ne vous y fiez pas - toujours pour mieux s'en moquer : " Le vélo, c'est bon pour la circulation, ça fait toujours une voiture de moins ! "
Le théâtre de Boulevard reste très vivant, d'abord parce qu'il est encore très représenté. Rien qu'en 2013, des classiques du Boulevard ont encore connu un franc succès dans les théâtres parisiens : Le Prix Martin de Labiche à l'Odéon, La Station Champ Baudet encore de Labiche au Théâtre Marigny, La Cocotte puis Feu la Mère de Madame de Feydeau au théâtre du Petit Gymnase, Un fil à la patte de Feydeau et ensuite Un Chapeau de paille d'Italie de Labiche à la Comédie-Française, Occupe-toi d'Amélie également de Feydeau à La Michodière, etc... Mais, et peut-être surtout, parce que nombreux sont les auteurs qui continuent d'en écrire de nouvelles pépites : Jean Dell, Jean-Claude Brisville, Gérald Sibleyras, Sébastien Thiery, Florian Zeller dont Une Heure de tranquillité a fait courir le public au Théâtre Antoine, etc...
Entre 1880 et 1890, Courteline invente le "Conomètre", tube transparent gradué contenant un liquide et relié à un tuyau dans lequel un comparse camouflé souffle pour faire monter le liquide dans le tube en fonction du " degré de stupidité " de l'interlocuteur choisi (à son insu) ; il paraît que, parfois, le tube débordait... Ca ne vous dit rien ? Oui, bien sûr, le Dîner de c..s de Francis Veber dont voici un extrait : « - Brochant : Il s'appelle Juste Leblanc - Pignon : Ah bon, il n'a pas de prénom ? - Brochant : Je viens de vous le dire Juste Leblanc - Pignon : ? - Brochant : Leblanc c'est son nom, et c'est Juste son prénom - Pignon : ?? - Brochant : Monsieur Pignon, votre prénom à vous, c'est François, c'est juste ? - Pignon : Oui - Brochant : Et bien lui, c'est pareil, c'est Juste - Pignon : ??? »
On a parfois appelé le Théâtre de Boulevard, le théâtre du désenchantement, mais ce désenchantement ne serait-il pas l'expression d'une tendresse déçue pour le genre humain ? A plusieurs reprises dans le Dîner de c..s, on voit poindre ce regard bienveillant pour les hommes et leurs faiblesses. Quant à Philippe Soupault, il considérait que le Théâtre de Boulevard appartenait au Surréalisme, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il aurait précédé le Théâtre de l'Absurde. Pour Paul Claudel, qui a lui-même écrit une pièce s'apparentant au Théâtre de Boulevard, même s'il la situe dans l'Antiquité sur " l'île flottante " de Naxos (Protée - jouée le 29 janvier dernier au théâtre de Vevey), le Théâtre de Boulevard est à la fois " comique et cosmique ", un extraordinaire divertissement où le bouffon et le lyrique s'entremêlent et passent de l'un à l'autre sans transition. Pour Ladislas Chollat (metteur en scène de Une heure de tranquillité), il s'agit avant tout d'un genre de l'immédiateté. Dans tous les cas, dans la pièce de Boulevard, c'est le " bon mot " qui prime, c'est-à-dire le trait destiné à faire mouche, ce qui permet le plus souvent et une fois de plus à la langue française d'occuper le devant de la scène, tandis que, comme nous venons de voir, l'inspiration qui l'irrigue reste encore marquée par son origine et en demeure donc fortement courtelinesque.

 Alain Sulmon

Coup de gueule à Havas Voyage

Monsieur,
C’est avec consternation que j’ai découvert sur la vitrine d’une de vos agences une affiche en gros titres avec la phrase suivante :  « Découvrez la croisière qui vous ressemble grâce à votre travel planner ». Intrigué, je suis rentré dans l’officine pour constater que son personnel était également affublé (et étiqueté) du titre effarant  de « travel planner ».
Puis-je vous tout d’abord rappeler que l’utilisation de tels anglicismes relève d’un véritable incivisme linguistique répréhensible au titre de la loi Toubon ?
Puis-je vous faire observer que ce type de langage s’identifie à un pédantisme dénoncé déjà en son temps par Molière dans Les Précieuses Ridicules ?
Permettez-moi de citer encore le journaliste François Cavanna qui a écrit à l’intention de gens comme vous : « Ce qui m’enrage, c’est l’avalanche, c’est l’emploi systématique et prétentieux d’un arrogant baragouin américanisant » (Mignonne, allons voir si la rose…, p. 126). Il s’en indigne (p. 15) : « C’est mépriser le français que de préférer à ses mots des mots étrangers, c’est avoir honte de sa propre langue, et donc honte de ce qu’on est soi-même, que de se gargariser de vocables américains ». Le philosophe Michel Serres dénonce également cette pratique ignominieuse : « Il y a plus de mots anglais sur les murs de nos villes qu’il n’y avait de mots allemands pendant l’occupation. Par conséquent, qui sont les collabos ? » et il lance un « appel à la grève » des magasins concernés.
C’est donc la démarche que nous proposerons à nos adhérents et à nos sympathisants sur nos sites et dans nos publications pour « faire la grève » de vos agences, sans préjudice d’éventuelles poursuites judiciaires, tant que vous vous obstinerez à poursuivre vos incivilités langagières.
Je vous prie de croire, Monsieur le directeur, en mes sentiments profondément indignés.

Alain Sulmon

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Think tank La Vie

Adressé à l’Hebdomadaire « La Vie »

Madame, Monsieur,

L’enquête de société intitulée « Premier portrait chiffré des musulmans de France » parue dans le N° 3708 de l’hebdomadaire « La Vie », a retenu toute mon attention. Je m’interroge toutefois sur la forme et non sur le fond de cet article. L’emploi du terme « think tank » utilisé dans le premier paragraphe (page28) me surprend. Je l’avoue humblement, je ne connais pas son sens exact, s’agit-il d’un laboratoire, d’un réservoir d’idées ou d’un concept nouveau ?
Fidèle lecteur de votre hebdomadaire, j’en apprécie généralement l’objectivité et la diversité des sujets traités, mais aussi la qualité de l’écriture. 
Je crains que Pascale Tournier, auteur de l’article en question ne se soit laissée entraîner par un phénomène de mode qui me relègue au rang de lecteur inculte, ce qui est désagréable, mais surtout, elle fait injure à notre belle langue par des emprunts qui ne cessent de l’appauvrir, oubliant ainsi que ce fut celle des beaux esprits que bien des étrangers nous envient.

Recevez, Madame, Monsieur l’expression de mes salutations.  

Denis Rothé

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Réponse de "La vie" par courriel du 13/10/2016

Cher Monsieur,

Pardonnez-moi de n'avoir pas répondu à votre message plus tôt. Il m'avait échappé et je viens de le lire en vérifiant -un peu tardivement- qu'aucune lettre n'était resté sans réponse.

En tant que responsable du courrier des lecteurs, je bataille en permanence auprès des rédacteurs et des secrétaires de rédaction pour limiter le recours aux mots anglais dans les articles. Je reconnais qu'il y en a beaucoup et je comprends très bien l'effet produit. Je trouve très désagréable l'expression - bien involontaire, cependant- de la connivence culturelle qui transparaît dans cet usage.

Je persiste cependant à transmettre à la rédaction les remarques de nos lecteurs à ce sujet, même si le résultat est un peu décourageant.

Un "think tank", littéralement un "réservoir à idées" (to think : penser, tank : réservoir). Il s'agit donc d'une club de réflexion qui a pour objectif d'alimenter le programme de formations politiques. 

J'ai lu ce matin dans le dernier numéro un mot qui va sûrement vous agacer dans l'article sur l'inauguration de la cathédrale russe : le "soft power". Pas de traduction non plus. J'avoue un peu de découragement.
Je vous le traduis d'avance (pardonnez-moi si vous le savez déjà). "Soft" : doux, "power" : puissance. Il s'agit pour un Etat de ce qui participe de sa puissance, de son influence en dehors de ses forces armées et de ses atouts économiques : sa culture, son rayonnement, ses institutions culturelles à l'étranger, etc.

Avec nos amitiés.

Dominique Fonlupt
Rédactrice en chef adjointe
Responsable Courrier des lecteurs
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Langue d'Oc


Vous parlez de langue d’oc. Savez-vous pourquoi ?    
                            
            Nous avons la chance d’habiter l’ancienne province du Languedoc,  réduite à cinq départements à notre époque. Mais l’Histoire nous apprend que l’appellation de cette province a désigné un ensemble variable de territoires, beaucoup plus vaste que sa récente désignation. Partant des Pyrénées, les pays de langue d’oc remontaient jusqu’au Poitou, s’étendaient de la Gascogne aux versant italiens des Alpes occidentales, excluant les pays basques et catalans.
 Cet ensemble sera appelé au XIX°s.  Occitanie, reprenant alors des expressions latines de la fin du XIII°s., « Occitania » qui désignait la région elle-même,  « lingua occitana » qui s’appliquait à la langue dite d’oc, avec ses nombreuses variantes, pratiquée dans cette vaste région méridionale de la France. Elle se distinguait de la langue des pays de la couronne, autour de l’Ile de France, en région septentrionale, que l’on nomma langue d’oïl. Ces expressions latines avaient été créées pour la rédaction de textes officiels de cette époque médiévale.
Il faut reconnaître que cette différenciation des deux zones linguistiques fut plutôt simpliste, avec des extensions géographiques et des contours mal définis. On a parfois schématiquement établi une frontière linguistique avec le cours de la Loire…C’était faire fi de toute la partie est de cette zone méridionale.
Notre propos n’est pas n’est d’épiloguer sur ces questions, fort intéressantes au demeurant, mais d’orienter notre curiosité sur l’origine de ces mots « oc » et « oil », qui vont symboliser deux cultures dans notre pays : celle des troubadours et celle des trouvères, pourrait-on dire. Nous allons vous conter leur histoire philologique.
La distinction linguistique s’est fondée sur un petit détail…, deux façons différentes de répondre à une question par une affirmation, en français ancien.
 Il faut noter qu’une troisième s’était formée, utilisée surtout à l’Est, notamment sur les versants italiens des Alpes, le « si » qui est demeuré l’affirmation par excellence en italien moderne, et a subsisté en français, utilisée pour soutenir une affirmation qui a été contestée : « Si, vous dis-je ! ». En effet, le latin utilisait parfois l’adverbe « sic » qui va donner « si », que nous retrouvons dans « ainsi ».
Les deux mots oc et oïl dérivent d’une forme latine d’affirmation, composée du démonstratif neutre hoc (= cela) suivi du verbe qui avait été utilisé par l’interlocuteur ou du verbe être : hoc est, comme nous pourrions dire « (oui) c’est cela. ».
Le latin préférait plus couramment reprendre le verbe utilisé par l’interlocuteur :
Ex :  cantasne ? – canto.  = Est-ce que tu chantes ? –je chante. = oui,( je chante).
 Cette tournure qui implique l’apparition du sujet dans la réponse, a perduré en ancien français  tout comme en anglais du reste, aujourd’hui: « Do you read French novels ?- Yes, I do. »
Dans la zone septentrionale de la France, la consonne [k] en position finale, donc faible, cesse rapidement d’être prononcée : elle s’amuït. (H)oc se réduit à « o » dans la prononciation. Même phénomène pour « sic » devenu « si ».
Le vieux démonstratif latin va donc se placer devant le sujet du verbe qui est repris pour affirmer une idée, donner une réponse positive, et le plus souvent devant un pronom personnel : je, tu, il ; etc. et donner « o je… o tu… o il » etc.= oui, je,   oui tu,   oui, il…
 La forme  o-il, « oil » étant la plus fréquente finira par se généraliser et se substituer à toutes les personnes de la conjugaison. Elle se substituera donc à ce qui aurait dû être : « o je, o tu, o nous… » et donner oil je, … oil tu etc..
Achevons notre itinéraire phonétique.
Les consonnes dites « liquides » comme le l et le r, placées en fin de mot…cessent d’être prononcées aux XIV-XV°s.( songez à nos infinitifs présents du 1° groupe dont le « r »final ne se prononce toujours plus sauf en liaison, et aux mots  coutil, fusil, outil, persil,…Il en était de même pour les verbes en -ir).
Ainsi le l de oil  disparaît de la prononciation. Reste alors un groupe de voyelles « oi » formant diphtongue qui vont interagir :
La voyelle « o », sous l’influence du « i » accentué qui la suit, va s’infléchir en « ou » pour nous donner notre adverbe moderne d’affirmation oui !, parfois prononcé en Champagne et en Lorraine, pour plus de facilité, avec une consonne d’appui (épenthétique) : voui ! Il s’agit là de l’évolution propre au nord de la France.
Et parce que la langue du gouvernement finit souvent par devenir la langue officielle de tout un pays, comme par exemple en Allemagne, le haut-allemand, c’est la forme francilienne ou septentrionale qui a fini par s’universaliser dans le beau Pays de France, au détriment de la langue d’oc, qui a magnifiquement et généreusement consenti à dire définitivement Oui !

Pour vous détendre un peu…
Avant d’entamer notre itinéraire linguistique, nous avions intentionnellement laissé sur le quai ou « au quai », l’envahissant « O.K. » attribué au président Théodore Roosevelt qui signifiait, paraît-il, sa satisfaction ou ses acceptations par l’expression « All is Korrekt !» réduite à « O.K. ». Serait-ce lui, le père O.K. ?
Plus sérieusement dit, pour finir, on signalera qu’il n’y pas de liens entre les deux termes de consonances voisines (pouvant donner lieu à une belle paronomase !) : Occitan et Occident, ce dernier mot évoquant la chute, le déclin d’un astre, noblement appelé par euphémisme le « coucher » comme pour notre soleil…


  Yves Barrême.