Promotion et rayonnement de la langue française.

Maintenir la qualité de notre langue, sans laxisme ni purisme.

La francophonie aujourd'hui


     Le français, langue dans le monde

 

La situation de la francophonie dans le monde est assez méconnue. Il est pourtant facile de connaître les chiffres relatifs à la pratique de la langue française de nos jours puisqu’il existe un observatoire de la Francophonie qui s’occupe spécifiquement de cette réalité et qui dépend de l’O.I.F. (Organisation Internationale de la Francophonie), dont le siège est à Paris et dont la secrétaire générale actuelle est la Rwandaise Louise Mushikiwabo.

L’O.I.F., rappelons-le, regroupe plus de quatre-vingt-huit états ou gouvernements du monde entier (ce nombre évolue régulièrement à la hausse), répartis sur les cinq continents, dont cinquante-quatre états membres, sept membres associés et vingt-sept états observateurs. Ce seul chiffre, souvent méconnu comme beaucoup d’autres liés à la francophonie, illustre en lui-même l’importance et l’attraction de notre langue : Plus du tiers des états membres de l’Organisation des Nations-Unies (O.N.U.) est lié à la francophonie !

Ces 88 pays ou gouvernements représentent une population totale de plus d’1,2  milliard de personnes mais toutes, tant s’en faut bien sûr, ne parlent pas le français. l’O.I.F. a donc procédé à un inventaire détaillé des francophones du monde entier, en retenant un critère précis : il ne suffit pas de parler et de comprendre le Français quotidiennement pour être considéré comme francophone, il faut aussi être capable de le lire et de l’écrire. Voici le résultat obtenu : « Au total, ce sont plus de 300 millions de personnes qui peuvent être définies comme francophones, de façon certaine, sachant que ce calcul est minimaliste ». Comme chaque année, il y a environ six à sept millions de francophones supplémentaires, on peut estimer qu’à la fin du XXIème siècle, le chiffre de 700 millions de francophones sera atteint, voire dépassé, ce qui fera du français la troisième langue la plus parlée au monde après le chinois et l’anglais. cette projection s’appuie notamment sur le fait que 60% des francophones d’aujourd’hui ont moins de trente ans et que l’Afrique subsaharienne qui compte déjà largement plus de cent millions de francophones à elle seule est la région du monde dont la population va le plus s’accroître dans les décennies à venir, avant de se stabiliser, là comme ailleurs.

Cette réalité peut être complétée par d’autres repères, par exemple :

- Il existe environ 6000 langues sur terre et le français fait partie des très rares langues parlées et apprises sur les cinq continents (en réalité, il n’y en que deux : l’anglais et le français).

- Le français est la troisième langue de la Toile (après l’anglais et l’allemand).

- L’espace francophone représente 20% du commerce mondial des marchandises et 16% de la production des richesses.

- Le français est la seconde langue étrangère enseignée dans le monde, loin derrière l’anglais certes, mais loin aussi devant les autres langues.

- L’AEFE (Agence pour l’Enseignement du Français à l’Etranger) est le plus grand réseau scolaire mondial avec plus de 500 établissements implantés dans 140 pays sur les cinq continents.

- Le français est langue officielle dans 32 pays du monde.

- Le français est la deuxième langue maternelle de l’Union Européenne (après l’allemand) et sa seconde langue de travail (derrière l’anglais mais, après le Brexit, il est possible que les choses changent ; avant l’adhésion de la Grande Bretagne à l’Union Européenne, le français était la première langue de travail)).

Le C.E.R.M.F. (Centre d’Etude et de Réflexion sur le Monde Francophone), quant à lui, va plus loin : il estime que la population du monde francophone, c’est-à-dire celle où l’on peut vivre en français, se monte déjà en janvier 2020 à 512,5 millions de personnes, dépassant celle de l’Union Européenne et rappelle que le premier pays francophone du monde est la république démocratique du Congo avec 78 millions d’habitants, et aussi que Kinshasa et Abidjan sont respectivement la première et la troisième ville francophone du monde, Paris n’étant plus que la deuxième au classement mondial.

Ces quelques chiffres, qui parlent d’eux-mêmes et qui sont pourtant largement ignorés, délimitent un espace francophone important et en pleine évolution. A eux seuls, ils rappellent que le français reste une des grandes langues internationales. Bien plus, aujourd’hui, contrairement à ce que l’on croit, des entreprises, des institutions internationales redonnent sa place au français dans leur communication après l’avoir parfois délaissé. Par exemple, des compagnies de télévision étrangères ont créé des émissions voire des chaînes en français, c’est le cas d’une chaîne chinoise et d’une chaîne russe qui émettent en clair et en français à destination notamment de l’Afrique.



Alain SULMON

 

« Non, l’anglais ne doit pas remplacer le français ! »

 

Dans le journal  Le Monde des 27 et 28 janvier 2019, une centaine d’écrivains, de journalistes et d’artistes se sont indignés de l’emploi abusif d’anglicismes dans notre langue à l’occasion du salon du livre de Paris et ont fait paraître un article sous le titre ci-dessus. En effet les termes « littérature Young adult, bookroom, brainsto, bookquizz » ou encore « photobooth» y étaient mis à l’honneur (ou au déshonneur !) et ce collectif a voulu provoquer un sursaut salutaire dont cet article pourrait être le déclencheur. Pourquoi lui donner raison ?

En premier lieu, on peut tordre le cou à cet argument fallacieux couramment avancé selon lequel  les anglicismes correspondraient à une évolution normale de notre langue car qu’est-ce qu’une évolution sinon un processus lent, progressif et interne ? Mais l’utilisation abusive des anglicismes est un phénomène brutal, massif et externe qui n’a rien d’une évolution, c’est une invasion qui ne dit pas son nom ! Et une invasion qui renvoie à l’attitude de subordination à l’anglicisation de notre culture manifestée par de nombreux milieux, dont les médias, et dénoncée avec vigueur dans l’article en question.

Par ailleurs, une évolution correspond normalement à une amélioration fonctionnelle d’une espèce ou d’une fonction. Or la plupart du temps, ces anglicismes importés entraînent un appauvrissement, pour ne pas dire un assèchement, de notre langue. Prenons quelques exemples entendus à la télévision ou à la radio ; nous pouvons être souvent agacés et choqués par les commentaires de journalistes truffés d'anglicismes sans raison puisque ces anglicismes viennent la plupart du temps remplacer des mots français existants : Pourquoi, en biathlon ou dans d’autres sports employer constamment le vocable anglo-saxon « mass-start » alors qu'en Français, il s'agit tout simplement de la course en ligne ; franchement la course en ligne, c'est un mot beaucoup plus signifiant et beaucoup plus dynamique qu'un groupe informe rassemblé au départ d'une course (la « mass-start » ou le départ groupé) ; quand on parle de course en ligne, pour ma part, je vois une tentative d’échappée dans une étape du Tour de France, je vois quelques Ethiopiens caracoler en tête d'une course à pied (et non de « running ») et, pour ce qui concerne le biathlon, je vois un groupe d’athlètes  patiner élégamment en file indienne chaloupée sur la neige d’un paysage tout blanc et ensoleillé. Je ne vois rien de tout cela quand j’entends parler de « mass-start », mot qui ne me parle pas, qui n’a pas d’épaisseur puisqu’importé d’une sémantique externe, expression pourtant répétée mécaniquement par les commentateurs comme un terme passe-partout (« mass-start » à la crème ?), illustrant une méconnaissance de notre si belle langue, pas seulement de notre langue d’ailleurs puisque le biathlon est une épreuve qui fut imposée par Pierre de Coubertin aux jeux olympiques (comme le pentathlon moderne) pour perpétuer une tradition d’origine militaire. Celui-ci se retournerait probablement dans sa tombe s’il entendait parler de « mass-start » pour cette compétition qu’on appelait alors la Patrouille militaire.

Il y a encore bien d'autres vocables anglo-saxons qui pourraient être évités. Pourquoi parler à l’envi de « Start-list » par exemple alors qu’il s'agit de simplement la liste de départ, ou encore pourquoi s’exclamer devant un beau « finish » quand on ferait mieux de parler d'un superbe final ? Pourquoi utiliser le mot « coach » à tout bout de champ (d’autant que le mot « coach » vient tout droit du vocabulaire de l’équitation française : coche, cocher) quand il serait plus précis et plus pertinent de parler d’entraîneur, de sélectionneur, de conseiller technique, de préparateur, d’instructeur, de moniteur, voire pour sortir du seul langage sportif : de guide ou de mentor, etc. ?

Il est par ailleurs regrettable que les personnes, notamment les journalistes ou les publicitaires, qui emploient ces anglicismes soient de plus en plus incapables d’utiliser leurs équivalents  en français, tout simplement parce qu’ils ne  les connaissent plus.

 Récemment, la société Havas Voyage interpellée pour sa dénomination de travel Planer (non traduite sur ses documents au départ mais exprimée, depuis une intervention d’une association de défense de la langue française, en français comme organisateur de voyages, précédée d’un astérisque et en très petits caractères) pour désigner ses conseillers en voyages. La justification obtenue est stupéfiante : on emploie l’anglais, nous dit-on, pour mieux souligner  la compétence professionnelle des salariés en question ! Billevesée ! Est-ce donc que cela signifie pour ces gens que la langue française ne fait pas assez « professionnelle» ?  Depuis quand, notre si belle langue, ne serait-elle plus capable d’exprimer ce qui est professionnel ? Et faut-il accepter cette rétrogradation de notre langue par des gens incapables de bien l’employer ? Dans un entretien récent accordé au journal La CroixPatrick Grainville, à la suite de son élection à l’Académie Française, disait que ces anglicismes étaient en réalité du « chiqué » (sic !). Eh bien oui, Travel Planer, c’est du toc !

Prenons un autre exemple : une entreprise du sud de la France est en train d’essayer de commercialiser un boîtier informatique (qu’elle a appelé évidemment  « box ») et a bâti un « pitch » (comme ils disent !) pour illustrer son montage vidéo composé de diapos, qu’elle appelle bien sûr des « slides» (comme ils disent !). Non seulement, dans cette entreprise, personne ne connaissait les termes français mais on y était incapable de conceptualiser le « process » (comme ils disent !) en français. C’est un littéraire appelé à la rescousse qui l’a formulé : dématérialisation de pièces comptables, titre qui  apparaît maintenant en grand sur l’argumentaire (et non « pitch » employé aussi par ailleurs dans les médias pour désigner un scénario, un résumé,…). Récemment, à la télévision, un acteur bien connu était interrogé par un journaliste qui lui demandait, à propos de son dernier film, comment s’étaient passés les derniers « castings ». Interloqué, l’acteur en question, a repris la question en la reformulant : il s’agissait des derniers essais ! Observez que le mot « casting » sera aussi employé pour les sélections, c’est-à-dire les auditions, et on utilisera encore cet anglicisme pour désigner la distribution des rôles (ce film réunit un fabuleux casting !). Casting utilisé indifféremment pour essais, audition, distribution,… quelle perte de précision et quel appauvrissement du vocabulaire !

Permettez-moi de faire appel à un autre journaliste, François Cavanna, vous savez le fondateur de Hara-Kiri et Charlie-Hebdo, pourtant peu suspect de franchouillardise, qui a écrit une très belle déclaration d’amour à la langue française dans un livre intitulé Mignonne, allons voir si la rose,… (éditions Fayard ou livre de poche) et qui déclare à propos des anglicismes (p.15 ) : « Je n’aime pas que l’on méprise ce que j’aime. C’est mépriser le français que de préférer à ses mots, des mots étrangers, c’est avoir honte de sa propre langue, et donc de ce qu’on est soi-même, que de se gargariser de vocables américains… ».

 On reproche parfois (souvent ?) à ceux qui refusent cette invasion des anglicismes d’être des puristes, des passéistes, des attardés, des ringards (« est ringard quiconque n’a pas la bouche débordante de mots en -ing » écrit Cavanna à la page 128 de son livre), mais on ne peut ignorer que de nombreuses personnes  sont démunies devant ce jargon incompréhensible. Si vous écrivez dans un journal, une revue, si vous parlez à la radio,  à la télévision, n’avez-vous pas à faire l’effort de vous faire comprendre de tous ?  Est-ce si ringard de vouloir stimuler ou renforcer l’esprit d’équipe plutôt que de booster le team-building ? Utiliser un vocabulaire français, c’est un droit, sinon un devoir, car chacun a le droit de comprendre. Ce droit de comprendre a un corollaire : le droit de ne pas comprendre une langue étrangère, que ce soit l’anglais, le serbo-croate ou le patagon. Cette référence constante à une sémantique exogène est également insupportable parce qu’elle exclut une grande partie de la population. Considérer que tout le monde comprend ou doit comprendre ces mots anglais employés sans retenue (et sans même les traduire) est un affront et une blessure portés à toute cette population que l’on rabaisse.

Allons plus loin, parfois même des personnes se débrouillant en anglais doivent s’efforcer de deviner, quelquefois sans succès, la traduction de termes ou expressions anglo-saxons parfaitement abscons. Ainsi en est-il par exemple  de l’expression  « start-up nation business friendly » incompréhensible  pour la très grande majorité de la population. Savez-vous pourquoi l’Académie française a été créée au 17° siècle ? Entre autres, pour unifier notre langue dans le temps et dans l’espace et permettre aux générations de se comprendre. Si vous lisez les textes classiques sans difficulté (par exemple ceux de Racine, Molière, Corneille,…), c’est parce que la langue a été fixée à cette époque et que, depuis, elle nous reste accessible. Essayez donc de lire dans le texte les livres de Rabelais, pourtant considéré comme le plus grand écrivain français par le Franco-Mauricien prix Nobel de Littérature J.M.G. Le Clezio, vous verrez que ce n’est pas facile, parce que Rabelais a écrit son œuvre avant que la langue n’ait été normalisée. De la même manière les vocables anglais plaqués dans notre langue ne correspondent ni aux sons, ni aux prononciations, ni à l’orthographe de notre langue.  Redonnons la parole à Cavanna (p.226) : « Moi qui hais les traditions, car toutes sont stupides et attrape-couillon, je me ferais hacher menu pour que vive et prospère le français. Justement pas pour la tradition. Mais pour la céleste, l’invraisemblable harmonie de cette langue qui a vraiment eu de la chance de devenir aussi belle, au point de tourner ses erreurs de parcours à son avantage. Mais où est-il donc le peuple béni qui, au long des siècles, a façonné cette merveille ? A-t-il vraiment disparu, et sont-ce ses descendants, ces arrivistes pète-sec aussi fermés à la véritable beauté que la serrure de leur attaché-case ? » (ou, ajouterais-je volontiers, que le clavier de leur ordinateur).

L’inondation d’anglicismes déstructure notre langue et pas seulement d’un point de vue sémantique. C’est vrai aussi du point de vue syntaxique. Par exemple, l’ordre de mots dans la phrase française n’est pas spontané  et ce n’est pas pour rien que la langue française est considérée comme la langue de la Raison. En voici une illustration : Vous connaissez bien sûr l’OTAN, ou Organisation du traité de l’Atlantique Nord ? Comment dit-on en Anglais ? NATO ou encore North Atlantic Treaty Organization. L’ordre des mots en anglais est exactement inverse à celui du français. Cela n’est évidemment pas neutre.

En 1784, l’Académie de Berlin publie les résultats du concours lancé l’année précédente sur le thème : "Qu’est-ce qui a rendu la langue française universelle ?". Deux premiers prix ex-æquo sont attribués, l’un à l’Allemand Johan-Christoph Schwab (1743-1821) et l’autre au Français Antoine de Rivarol (1753-1801). Intéressons-nous à un passage tiré de l’exposé d’Antoine de Rivarol et qui concerne les particularités syntaxiques de la langue Française (nous sommes donc en 1784 !) :

"Ce qui distingue notre langue des langues anciennes et des autres langues modernes, c’est l’ordre et la construction de la phrase. Cet ordre doit être direct et nécessairement clair. Le français nomme d’abord le sujet du discours, ensuite le verbe qui est l’action, et enfin l’objet de cette action : voilà la logique naturelle à tous les hommes ; voilà ce qui constitue le sens commun. Or cet ordre, si favorable, si nécessaire au raisonnement, est presque toujours contraire aux sensations, qui nomment le premier l’objet qui frappe l’esprit. C’est pourquoi tous les peuples, abandonnant l’ordre direct, ont eu recours aux tournures plus ou moins hardies, selon que leurs sensations ou l’harmonie des mots l’exigeaient ; et l’inversion a prévalu sur la terre, parce que l’homme est plus impérieusement gouverné par les passions que par la Raison.

La langue française, par un privilège unique, est seule restée fidèle à l’ordre direct, comme si elle était toute Raison, et on a beau par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu’il existe ; et c’est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l’ordre des sensations : la syntaxe française est incorruptible. C’est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. Ce qui n’est pas clair n’est pas français. Pour apprendre les langues à inversion, il suffit de connaître les mots et leurs régimes ; pour apprendre le Français, il faut d’abord retenir l’ordonnancement des mots."

Comme le dit Philippe Lalanne-Berdouticq dans son livre Pourquoi parler français ? (éditions Fleurus) : "Tout au long des 17°, 18° et 19° siècles s’avanceront, exprimés en français, la pensée rationnelle et ses fruits scientifiques".

La spécificité de la langue française tient donc au fait qu’en remplacement des déclinaisons, l’ordre des mots complété par les signes de relation entre eux tient lieu de logique : "Les langues germaniques et l’anglo-saxon vont du général au particulier et du tout à la partie, la marche française qui va du particulier au général est celle même de l’esprit scientifique" ajoute Philippe Lalanne-Bertoudicq.

La seconde différence avec la syntaxe anglaise est donc l’apparition de mots de liaison, ici, les déterminants « du, de, » (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) qui précisent, sans qu’il ne puisse y avoir aucune ambigüité, la relation entre les mots et ces déterminants confèrent également à la langue française son incomparable précision, en particulier face à l’anglais où il suffit de juxtaposer les termes (dans le sens inverse du français). En voici un autre exemple : la résolution 242 de l’Organisation des Nations-unies qui concerne les territoires occupés par Israël en Palestine à la suite de la guerre des six jours en 1967 stipule : "Withdrawal of Israel armed forces from territories occupied in the recent conflict". Or cette phrase est ambigüe et peut être comprise de deux manières : from territories peut signifier retrait de territoires occupés, c’est à dire d’une partie de ces territoires et c’est bien ce qu’affirment les Israéliens, ou bien retrait des territoires occupés, c’est à dire de la totalité des territoires, et c’est évidemment ce que soutiennent les Palestiniens ; en français, une telle imprécision, délibérée ou non, aurait été impossible grâce au simple déterminant "de" ou "des"… et la Paix ne règne toujours pas en Palestine car les Israéliens considèrent avoir satisfait à la résolution 242 en rendant certains territoires tandis que les Palestiniens continuent de réclamer la restitution de tous les territoires occupés… Si la résolution avait été rédigée en français, comme tous les traités internationaux depuis la paix de Nimègue jusque la première guerre mondiale, nous n’en serions peut-être pas là… Il y a donc une vraie utilité et une vraie nécessité à traduire une expression comme start-up nation business-friendly parce que  l’ordonnancement des mots et la nature de leurs relations y feraient apparaître clairement le sens et la logique.

On pourrait encore développer plusieurs aspects de notre langue mais terminons pour ne pas être trop long en citant à nouveau Cavanna (p.16 de son livre) : « l’anglais est concis, mais imprécis. L’absence de grammaire entraîne l’absence de rigueur ». p.122 : « le français, lui, fuit l’ambigüité. La clarté est son souci, fût-ce au prix d’une certaine prolixité ». p.124 : « Ses qualités maîtresses sont la précision et la clarté (ne parlons même pas de sa beauté, c’est sur le terrain de l’efficacité qu’on nous a forcés à nous défendre). Le français est moins bref parce qu’il explique mieux, parce qu’il décrit mieux. Ce n’est pas un gougnafier, il fait le travail bien à fond, il n’y a pas à repasser derrière ».

Même les Anglo-saxons commencent à s’alarmer de cette dérive du tout-anglais. Ainsi le linguiste anglais, David Crystal, déplorant cette hégémonie de la langue dont il est pourtant un spécialiste, a récemment déclaré que si nous poursuivons dans cette voie, nous préparons « le plus grand désastre intellectuel que la planète ait jamais connu ». Alors pour ne pas laisser perdurer et se propager ce processus de « grand remplacement… acte insupportable de délinquance culturelle », comme l’affirme le collectif signataire de l’article du journal Le Monde, agissons, réagissons, affirmons, proclamons et répétons à qui veut l’entendre : « Non, l’anglais ne doit pas remplacer le français !».

Alain Sulmon,

Défense de la langue française

Délégation du Gard

Coup de gueule à la Croix-hebdo

 

Bonjour,

 

Je voudrais profiter du numéro 41670 de La Croix-Hebdo (le dernier) pour réfléchir sur la cohérence de cet exemplaire pour notre hebdomadaire. En effet, ce numéro est une sorte de mise sur un piédestal de la culture anglo-saxonne qui va de Walt Disney aux créateurs de séries. Outre l’usage abusif d’anglicismes  comme running (pour course à pied) par l’éditorialiste, ou encore le titre  de Bullshit Jobs (pour emplois à la con, si j’ai bien compris), jusqu’aux showrunners (là je ne comprends même pas ce que ça veut dire et je trouve cela très offensant pour vos lecteurs car je suis sûr que la très grande majorité en ignore le sens), c’est une véritable soumission à la sémantique américanisante qui apparait. Je voudrais vous rappeler à ce sujet une déclaration de François Cavanna, peu suspect de franchouillardise : « C’est mépriser le français que de préférer à ses mots des mots étrangers, c’est avoir honte de sa propre langue, et donc honte de ce qu’on est soi-même, que de se gargariser de vocables américains ».

Plus profondément, on peut s’étonner qu’à l’heure du confinement, alors qu’on parle d’un retour à l’essentiel, vous assuriez la promotion d’une dépendance à « l’entertainment » connecté (j’emploie délibérément  cet anglicisme à la place de divertissement pour être sûr d’être compris), assurant un peu plus encore le processus de « coolonisation » de notre culture, processus qui asservit sans relâche les esprits de nos concitoyens. C’est non seulement une faute de goût, une faute de l’intelligence, mais c’est aussi une incohérence, sinon une contradiction, avec la ligne de La Croix et encore plus avec les besoins du temps et de la période que nous traversons. J’en suis tout à fait désolé.

 

Alain Sulmon

Coup de gueule à la chaine l'Equipe

                                                                                                                       Le 22 décembre 2020

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,                                                                                                                                                                                                                                      

 

Je souhaiterais attirer l’attention de votre chaîne, son équipe de rédaction, ses journalistes et ses commentateurs sur l’invraisemblable dégradation de la langue française véhiculée par la chaîne « L’équipe », notamment par l’abus d’anglicismes.

 

Je ne donnerai que quelques exemple significatifs  mais ces anglicismes sont légion : sur votre site internet on annonce déjà par exemple des reportages en direct en live streaming  (quel charabia !). De même,  je regarde avec intérêt en ce moment les compétitions de biathlon. Vos commentateurs Anne-Sophie Bernardi  et Alexis Leboeuf se font les champions d’un sabir atlantique de bien mauvais goût : il n’y a plus de listes de départ ni même jamais plus un ordre de départ, mais seulement des « start-lists », les biathlètes ne sont plus de bons finisseurs mais des  « finishers », il n’y a plus de courses en ligne mais des « mass-starts », fini les classements, voici maintenant les « rankings », etc., etc.

 

Pierre de Coubertin, l’inventeur de la patrouille militaire, l’ancêtre du biathlon, de même que Jacques Goddet, le fondateur de L’Equipe, doivent se retourner dans leur tombe ! Et L’argument selon lequel l’emploi abusif de vocables anglo-saxons illustrerait une évolution de notre langue ne tient pas : qu’est-ce qu’une évolution sinon un processus de transformation lent, progressif et interne ? L’arrivée brutale, massive et externe des anglicismes n’est pas une évolution, c’est une invasion ! N’est-il pas aussi de votre responsabilité déontologique de respecter la langue française ? Nous sommes à la limite de la délinquance langagière !

 

L’éminent linguiste anglais David Crystal, décoré par la reine Elisabeth pour « services rendus à la langue anglaise », a récemment affirmé que si l’anglais devenait la seule langue de référence : « Ce serait le plus grand désastre intellectuel que la planète ait jamais connu ! ». Ne participez pas à ce désastre.

 

De grâce, ressaisissez-vous pendant qu’il est encore temps !

 

Aves mes salutations,

Alain Sulmon

 

 

Post-scriptum

1 – Je remarque que  vos commentateurs continuent de parler de bonnes « finisseuses » pour les athlètes féminines et non « finisheuses ». On se demande bien pourquoi ? Ne serait-ce pas parce qu’au féminin le terme « finisheuse » apparaît encore plus incongru ? Comme le ridicule ne tue plus et qu’il a déjà été atteint,  je réclame la parité pour les deux sexes et donc, soit revenir à finisseur/finisseuse  (en bon français), soit passer à finisher/finisheuse (en piteux franglais) ce  qui, tant qu’à faire, aura au moins le mérite de la cohérence mais attention au lapsus « finichieuse » ( !) qui pourrait tout autant vous attirer les foudres de féministes et… des compétitrices.

 

2 – Pourquoi éliminer une dénomination française utilisée depuis des décennies à savoir « la course en ligne » que tout le monde comprend, pour la remplacer par la dénomination anglo-saxonne mass start ? On marche sur la tête ! La course en ligne renvoie à une situation dynamique puisque la course est déjà lancée ! Et moi j’imagine, s’il s’agit de vélo, quelques cyclistes (et non des bikers) tentant une échappée, s’il s’agit de course à pied (et non de running) un groupe d’Ethiopiens et de Kényans caracolant en tête, s’il s’agit de fondeurs, une rangée de skieurs glissant dans un rythme chaloupé sur la neige au pas de patinage (et non du skating), alors que le départ groupé (c’est-à-dire la mass start pour ceux qui ne comprendraient plus en français) renvoie à une situation statique, les coureurs ou les skieurs ou les cyclistes étant rassemblés et immobiles en masse plus ou moins informe dans l’attente du départ. Pourquoi donc abandonner l’appellation dynamique du français au profit de la dénomination passive de l’anglais ? D’autre part, je ne sais pas pour vous mais, pour moi, la mass start, formule étrangère, n’éveille en rien mon imagination et correspond à un électroencéphalogramme plat, sauf évidemment si je peux la franciser, comme par exemple en mass start-à-la-crème, et alors là oui, mon imagination s’en trouve à nouveau stimulée (et non boostée) et même réjouie. Vous voyez par cet exemple, pris parmi d’autres, comment on défait une langue et comment on pratique un véritable incivisme linguistique car comme le soulignait François Mitterand : « C‘est blesser un peuple au plus profond de lui-même que de l’atteindre dans sa culture et dans sa langue”.