Promotion et rayonnement de la langue française.

Maintenir la qualité de notre langue, sans laxisme ni purisme.

Toutes les voix du monde


                         En français, toutes les voix du monde (1)
Contrairement à ce que certains croient, la langue française continue de rayonner dans le monde et d’attirer à elle de nombreux locuteurs de tous les continents, notamment des écrivains qui ont décidé de s’exprimer dans la langue de Molière. Le présent article et les suivants ont pour but d’en apporter l’illustration et d’engager une réflexion pour en comprendre les raisons. Nous allons donc faire un tour du monde de ceux – ou du moins de quelques-uns de ceux - qui ont choisi d’écrire en français, afin de découvrit la réalité et la vitalité de la langue française dans le monde.
Commençons par le continent américain où le français a longtemps damé le pion à l’anglais. Nous ne nous attarderons pas sur le Québec ni sur le Canada francophone car nous savons déjà que le français y est d’une vivacité et d’une fécondité connues et reconnues et que ces contrées constituent un socle de la francophonie dans le Nouveau Monde. Citons juste l’écrivain Naïm Kazan, Irakien natif de Bagdad : « C’est ici à Montréal que j’ai commencé à vivre aussi les dimensions planétaires du français. Vulnérable, parfois en perte de vitesse, le français, sans perdre ses assises au Canada, au Québec comme en France et ailleurs, donne la structure, établit la continuité d’une chaîne qui s’étend de l’Asie à l’Afrique, du Proche-Orient aux Caraïbes. La francophonie est un phénomène nouveau dont l’épanouissement ne fait que commencer » (Revue des deux mondes).
Tournons-nous vers l’Amérique anglo-saxonne : rappelons-nous l’Américain Julien Green qui fut élu à l’Académie Française en 1971 : « Ma vraie personnalité ne peut guère s’exprimer qu’en français ; l’autre est une personnalité d’emprunt et comme imposée par la langue anglaise » (L’œil de l’ouragan, Journal IV). Dans son sillage, plusieurs écrivains nord-américains ont opté pour le français ; ainsi le jeune Jonathan Littell (prix Goncourt 2006 et dont le père, Robert Littell, est auteur à succès de romans policiers américains). Et il en est bien d’autres telle la romancière canadienne anglophone Nancy Huston (Lignes de faille paru chez Actes Sud) : « C’est une grande dame la langue française. Une reine belle et puissante… Elle est intarissable. La langue française, une fois qu’elle se lance, plus moyen d’en placer une » (Nord Perdu chez Actes Sud). Faisons encore un sort particulier au cinéaste et dramaturge Eugene Green (la reconstruction paru chez Actes Sud) qui, clamant sa profonde admiration pour la langue française, refuse dorénavant d’écrire un seul mot en anglais et ne s’exprime plus qu’en français parce que c’est la langue, dit-il, qui donne une véritable "identité universelle", parce qu’ "écrire en français est un acte de résistance contre la domination d’une culture monolithique" ; il va même jusqu’à "franciser" les mots de la vie courante comme ouiquende (pour week-end), quoqualaït (pour coca-light), tramouais (pour tramway), etc., et dire que c’est un Américain qui nous le fait….
Bien sûr, l’Amérique du Sud n’est pas en reste car le français a toujours séduit de nombreux auteurs latino-américains, sensibles à la beauté et aux valeurs sous-tendues par notre langue. Pensons aux Cubains José-Maria de Hérédia ou  Armand Godoy, sans parler de Jules Supervielle, banquier à Montevideo en Uruguay et poète intensément français. L’Argentin Hector Bianchetti (élu à l’Académie Française en 1996) nous l’explicite sans ambages : « le français est la langue de ce qui est peut-être la plus grande littérature du monde…Dès qu’il est question de culture, nous nous tournons vers l’Europe, vers la France en premier lieu, qui en est le cœur et le cerveau » (Sans la miséricorde du Christ chez Gallimard). Et beaucoup d’autres  déclarent être tombés amoureux de la langue française comme le Cubain Eduardo Manet qui affirme : "Lorsque j’ai décidé de changer de langue, je maîtrisais parfaitement l’anglais et j’aurais pu l’adopter très facilement, mais c’est le français qui m’est apparu comme la langue de l’écriture et de la liberté. Pour nous latino-américains, c’est une évidence". Ouvrons une parenthèse aux prix Nobel de littérature sud-américains : tous, sans exception, ont été directement influencés par la littérature française et tous ont côtoyé, à un moment donné de leur existence, les milieux littéraires français : la Chilienne Gabriela Mistral (1945), le Guatémaltèque Miguel Angel Asturias (1967), le Chilien Pablo Neruda (1971),  le Colombien Gabriel Garcia Marquez (1982), le Mexicain Octavio Paz (1990), le Péruvien Mario Vargas Llosa (2010).
Il faut enfin accorder une place particulière à la littérature haïtienne, particulièrement active et rayonnant sur tout le continent américain : Dany Laferrière (élu à l’académie française en 2013) est le chef de file d’une liste d’écrivains pratiquant un véritable activisme littéraire  : revues (Intranqu’illités, Legs et littérature, …), carnets littéraires, émissions de télévision et de radio (vendredis littéraires, ateliers du jeudi…), ouvrages collectifs, paraissent sous les noms de James Noël (La migration des murs publié chez Galaade), René Depestre (Bref éloge de la langue française – Anthologie personnelle paru chez Actes Sud), Lyonel Trouillot, Faubert, Bolivar, Inéma Jeudi, Auguste Bonel, Mehdi Chalmers et d’autres encore.

Si, comme l’écrit l’écrivain espagnol d’expression française Michel del Castillo : « La survie d’une langue se forge plus à travers la littérature qu’à travers les échanges commerciaux internationaux », nous pouvons, comme lui, ajouter que : « La langue française se porte comme un charme car lorsqu’un étranger choisit cette langue pour écrire, il me semble qu’il s’agit du plus bel hommage qui soit ». Nous verrons, dans les articles suivants, qu’ils sont légion sur les autres continents.

Alain SULMON,
Délégation du Gard