Promotion et rayonnement de la langue française.

Maintenir la qualité de notre langue, sans laxisme ni purisme.

Le mot le plus long

Quel est vraiment le mot le plus long de la langue française ?

Lorsque l’on cherche dans un dictionnaire courant on trouve généralement que le mot le plus long en français est «  anticonstitutionnellement «  (25 lettres). Mais la langue évoluant toujours, il est en fait détrôné par d’autres mots de registres beaucoup plus spécialisés comme la médecine ou la biologie ou l’administration…
-  aminométhylpyrimidinylhydroxyéthylméthythiazolium   (49 lettres)
_  déconstitutionnaliseraient «  (26 lettres)
-  électro-encéphalographiquement (29 lettres)
-  œsophago-gastro-duodénoscopie   (27 lettres)
-  glycosylphosphatidyléthanolamine   (32 lettres)
-  hexakosioihexekontahexaphobie   (29 lettres)
-  hexakosioihexekontahexaphobique   (31 lettres)
-  interdépartementalisation   (25 lettres)
-  mittelschaeffolsheimoises   (25 lettres), habitantes de «  Mittelschaeffolsheim «  (Bas-Rhin)
-  myélosaccoradiculographie   (25 lettres)
-  myélosaccoradiculographique   (27 lettres)
-  niederschaeffolsheimoises   (25 lettres), habitantes de «  Niederschaeffolsheim «  (Bas-Rhin)
-  oligoasthénotératospermie   (25 lettres)
-  pseudohypoparathyroïdisme   (25 lettres)
-  psychopharmacothérapeutique   (27 lettres)

                                                          Qui dit mieux ?


Toutes les voix du monde


                         En français, toutes les voix du monde (1)
Contrairement à ce que certains croient, la langue française continue de rayonner dans le monde et d’attirer à elle de nombreux locuteurs de tous les continents, notamment des écrivains qui ont décidé de s’exprimer dans la langue de Molière. Le présent article et les suivants ont pour but d’en apporter l’illustration et d’engager une réflexion pour en comprendre les raisons. Nous allons donc faire un tour du monde de ceux – ou du moins de quelques-uns de ceux - qui ont choisi d’écrire en français, afin de découvrit la réalité et la vitalité de la langue française dans le monde.
Commençons par le continent américain où le français a longtemps damé le pion à l’anglais. Nous ne nous attarderons pas sur le Québec ni sur le Canada francophone car nous savons déjà que le français y est d’une vivacité et d’une fécondité connues et reconnues et que ces contrées constituent un socle de la francophonie dans le Nouveau Monde. Citons juste l’écrivain Naïm Kazan, Irakien natif de Bagdad : « C’est ici à Montréal que j’ai commencé à vivre aussi les dimensions planétaires du français. Vulnérable, parfois en perte de vitesse, le français, sans perdre ses assises au Canada, au Québec comme en France et ailleurs, donne la structure, établit la continuité d’une chaîne qui s’étend de l’Asie à l’Afrique, du Proche-Orient aux Caraïbes. La francophonie est un phénomène nouveau dont l’épanouissement ne fait que commencer » (Revue des deux mondes).
Tournons-nous vers l’Amérique anglo-saxonne : rappelons-nous l’Américain Julien Green qui fut élu à l’Académie Française en 1971 : « Ma vraie personnalité ne peut guère s’exprimer qu’en français ; l’autre est une personnalité d’emprunt et comme imposée par la langue anglaise » (L’œil de l’ouragan, Journal IV). Dans son sillage, plusieurs écrivains nord-américains ont opté pour le français ; ainsi le jeune Jonathan Littell (prix Goncourt 2006 et dont le père, Robert Littell, est auteur à succès de romans policiers américains). Et il en est bien d’autres telle la romancière canadienne anglophone Nancy Huston (Lignes de faille paru chez Actes Sud) : « C’est une grande dame la langue française. Une reine belle et puissante… Elle est intarissable. La langue française, une fois qu’elle se lance, plus moyen d’en placer une » (Nord Perdu chez Actes Sud). Faisons encore un sort particulier au cinéaste et dramaturge Eugene Green (la reconstruction paru chez Actes Sud) qui, clamant sa profonde admiration pour la langue française, refuse dorénavant d’écrire un seul mot en anglais et ne s’exprime plus qu’en français parce que c’est la langue, dit-il, qui donne une véritable "identité universelle", parce qu’ "écrire en français est un acte de résistance contre la domination d’une culture monolithique" ; il va même jusqu’à "franciser" les mots de la vie courante comme ouiquende (pour week-end), quoqualaït (pour coca-light), tramouais (pour tramway), etc., et dire que c’est un Américain qui nous le fait….
Bien sûr, l’Amérique du Sud n’est pas en reste car le français a toujours séduit de nombreux auteurs latino-américains, sensibles à la beauté et aux valeurs sous-tendues par notre langue. Pensons aux Cubains José-Maria de Hérédia ou  Armand Godoy, sans parler de Jules Supervielle, banquier à Montevideo en Uruguay et poète intensément français. L’Argentin Hector Bianchetti (élu à l’Académie Française en 1996) nous l’explicite sans ambages : « le français est la langue de ce qui est peut-être la plus grande littérature du monde…Dès qu’il est question de culture, nous nous tournons vers l’Europe, vers la France en premier lieu, qui en est le cœur et le cerveau » (Sans la miséricorde du Christ chez Gallimard). Et beaucoup d’autres  déclarent être tombés amoureux de la langue française comme le Cubain Eduardo Manet qui affirme : "Lorsque j’ai décidé de changer de langue, je maîtrisais parfaitement l’anglais et j’aurais pu l’adopter très facilement, mais c’est le français qui m’est apparu comme la langue de l’écriture et de la liberté. Pour nous latino-américains, c’est une évidence". Ouvrons une parenthèse aux prix Nobel de littérature sud-américains : tous, sans exception, ont été directement influencés par la littérature française et tous ont côtoyé, à un moment donné de leur existence, les milieux littéraires français : la Chilienne Gabriela Mistral (1945), le Guatémaltèque Miguel Angel Asturias (1967), le Chilien Pablo Neruda (1971),  le Colombien Gabriel Garcia Marquez (1982), le Mexicain Octavio Paz (1990), le Péruvien Mario Vargas Llosa (2010).
Il faut enfin accorder une place particulière à la littérature haïtienne, particulièrement active et rayonnant sur tout le continent américain : Dany Laferrière (élu à l’académie française en 2013) est le chef de file d’une liste d’écrivains pratiquant un véritable activisme littéraire  : revues (Intranqu’illités, Legs et littérature, …), carnets littéraires, émissions de télévision et de radio (vendredis littéraires, ateliers du jeudi…), ouvrages collectifs, paraissent sous les noms de James Noël (La migration des murs publié chez Galaade), René Depestre (Bref éloge de la langue française – Anthologie personnelle paru chez Actes Sud), Lyonel Trouillot, Faubert, Bolivar, Inéma Jeudi, Auguste Bonel, Mehdi Chalmers et d’autres encore.

Si, comme l’écrit l’écrivain espagnol d’expression française Michel del Castillo : « La survie d’une langue se forge plus à travers la littérature qu’à travers les échanges commerciaux internationaux », nous pouvons, comme lui, ajouter que : « La langue française se porte comme un charme car lorsqu’un étranger choisit cette langue pour écrire, il me semble qu’il s’agit du plus bel hommage qui soit ». Nous verrons, dans les articles suivants, qu’ils sont légion sur les autres continents.

Alain SULMON,
Délégation du Gard


Quand le français occupe le devant de la scène


Après le cinéma et la bande dessinée, explorons un autre mode d’expression populaire le théâtre, non pas celui qui met en scène la langue de Molière, mais celui que l’on va voir en arpentant les rues de Paris, le théâtre de boulevard. Au commencement, il y avait les théâtres des boulevards, le premier au boulevard du Temple, puis un autre au boulevard Saint-Martin, puis d'autres encore au boulevard de La Madeleine, et sur les boulevards extérieurs jusqu'aux Batignolles et au faubourg Saint-Denis. L'ablation du pluriel a donné naissance à un genre  bien particulier, le théâtre de boulevard.
Georges Courteline (1858-1929), l'un des maîtres du genre, nous en annonce la couleur : "Les mots me font l'effet d'un pensionnat de petits garçons que la phrase mène en promenade", le Théâtre de Boulevard est d'abord un style littéraire, avant même d'être une - féroce – comédie de mœurs connue aussi sous une autre dénomination, le Vaudeville, c'est-à-dire le plus souvent l'inévitable histoire de la femme infidèle et de l'époux bafoué - ou inversement -, mais plutôt dans ce sens-là  parce que les auteurs y sont surtout des hommes ; dans cette comédie de mœurs, chacun en prend pour son grade pourvu que la phrase qui le fustige soit propre à le ridiculiser : "J'ai connu une femme qui voulait divorcer pour ne pas rester l'épouse d'un mari trompé ". Tous les défauts de la nature humaine défilent et sont tournés en dérision, en distinguant si possible ceux des hommes et ceux des femmes, pour en augmenter l'effet comique aux yeux d'une moitié du public, se gaussant de l'autre : " L'homme est le seul mâle qui botte sa femme. Il est donc le plus brutal des mâles... à moins que, de toutes les femelles, la femme ne soit la plus insupportable ". Le Théâtre de Boulevard n'est pas misogyne puisqu'il tire sur tout ce qui bouge, justement pour faire rire de tout, parce que "Le théâtre, c'est du carton et du plâtre, mais c'est la vie" nous dit Courteline: « - Seuls les idiots n'ont pas de doute.- Vous en êtes sûr ?- Mais c'est certain ! ». L'épitaphe que Georges Courteline fait graver sur sa propre tombe traduit bien la posture de dérision du Théâtre de Boulevard : "J'étais né pour rester jeune et j'ai eu l'avantage de m'en apercevoir le jour où j'ai cessé de l'être".
Le presque contemporain de Courteline, Eugène Labiche (1815-1888), n'est pas en reste de cette caricature de le nature humaine : " Il se lève tard, très tard, afin de contempler moins longtemps ses semblables " ou " si on disait toujours la vérité, on passerait sa vie à se dire des injures " (citations tirées de Le misanthrope et l'Auvergnat). Labiche a écrit 176 pièces ; la plus célèbre est sans doute Le voyage de monsieur Perrichon dont voici deux citations du même acabit : "L'ingratitude est une des variétés de l'orgueil " ou encore son pendant symétrique "Les hommes ne s'attachent point à nous en raison des services que nous leur rendons, mais en raison des services qu'ils nous rendent". Jean de La Bruyère n'est pas loin... Gaston Flaubert a pu écrire "Il y a une universalité chez Labiche, qui condense l'esprit français ". Et Bergson ajoutait " Labiche est l'auteur le plus cité après Molière et Cervantès".
Georges Feydeau arrive un peu plus tard (1862-1921) et rencontre un succès foudroyant : Tailleur pour dames, Un Fil à la patte, Le Dindon, La Dame de chez Maxim's, On purge bébé, Mais n'te promène donc pas toute nue, La Main passe, La Puce à l'oreille, Occupe-toi d'Amélie, Feu la Mère de Madame, Je ne trompe pas mon mari, etc. connaissent tous un succès phénoménal grâce à la même veine : " Il n'y a pas un drame humain qui n'offre quelques aspects très gais ", et encore cette prédilection pour les défauts supposés de la nature féminine (Le Dindon) : " Comment veux-tu que je te comprenne !... Tu parles à contre-jour, ... je ne vois pas ce que tu me dis ! " ou " Il n'y a que dans ces courts instants où la femme ne pense plus du tout à elle qu'on peut être sûr qu'elle dit vraiment ce qu'elle pense ", mais, rappelez-vous, l'homme est tout autant une cible de choix : " Il n'y a rien de menteur comme un homme, si ce n'est une femme."
Alfred Jarry, qui mourut jeune (1873-1907), est resté célèbre pour sa pièce Ubu-roi fondant le théâtre de l'Absurde qui va faire florès au XXème siècle. : " La liberté, c'est de n'arriver jamais à l'heure ". " Le courage est un état de calme et de tranquillité en présence d'un danger, état rigoureusement pareil à celui où l'on se trouve quand il n'y a pas de danger " (Viridis Candela). Alfred Jarry est l'inventeur du concept de "Pataphysique", science qui cherche à théoriser la déconstruction du réel et sa reconstruction par l'absurde. Dans son livre fondateur "Gestes et opinions du docteur faustroll, pataphysicien", il en donne la définition suivante : "La pataphysique est la science des solutions imaginaires, qui accorde aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité". En 1948, sera créé le Collège de Pataphysique qui édite des cahiers intitulés "Viridis Candela" (La chandelle verte en latin) auxquels collaboreront de très nombreux écrivains et artistes : James Joyce, André Gide, Max Jacob, René Clair, Fernando Arrabal, Salvador Dali, Boris Vian, Henri Jeanson, Pierre Mac-Orlan, Jacques Prévert, Raymond Queneau (L'Oulipo), Paul-Emile Victor, Umberto Eco, et beaucoup d'autres. Le Collège de Pataphysique existe aujourd'hui dans un certain nombre de pays et publie en diverses langues : Le London institute of Pataphysics a été créé en 2000. Le dernier en date a vu le jour en 2013 en Lituanie sous l'appellation Institutum Pataphysicum Vilniense.
Le chef de file du Théâtre de L'Absurde est incontestablement le Roumain Eugène Ionesco dont La cantatrice Chauve est jouée, sans discontinuer, au Théâtre de la Huchette à Paris depuis 1957 : "Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux". L'absurde se révèle être un moyen pour mettre en scène encore une autre satire du genre humain : " Il y a des choses qui viennent à l'esprit, même de ceux qui n'en ont pas ", et notamment pour dénoncer son instinct grégaire : " Les morts sont plus nombreux que les vivants et leur nombre augmente indéfiniment " (Le Rhinocéros). Le Théâtre de l'Absurde a fortement inspiré de nombreux écrivains ou auteurs du XXème siècle comme l'Italien Luigi Pirandello (prix Nobel de littérature en 1934 - Six personnages en quête d'auteur), l'Irlandais Samuel Beckett (prix Nobel de littérature en 1969 - En attendant Godot) ou, de l'autre côté de la manche, l'Anglais Harold Pinter (Prix Nobel de littérature en 2005 - La Mort aux naseaux), voire l'ancien président de la république tchèque Vaclav Havel (Le rapport dont vous êtes l'objet)...
Revenons au Théâtre du Boulevard proprement dit, qui a prospéré tout au long du XXème siècle et jusqu'à nos jours. Sacha Guitry (1885-1957), à la misogynie légendaire, y connut son heure de gloire: " Deux femmes qui s'embrassent me feront toujours penser à deux boxeurs qui se serrent la main " ou " Deux femmes finiront toujours par se mettre d'accord sur le dos d'une troisième ", mais tout de même toujours plus de misanthropie que de misogynie : " Il y a des gens sur qui on peut compter. Ce sont généralement des gens dont on n'a pas besoin ". Signe des temps, nombre de ses pièces vont être transposées au cinéma : Le Roman d'un tricheur (1936), Mon Père avait raison (1936), Désiré (1937), Quadrille (1938), etc. Le phénomène va s'amplifier dans les deux dernières décennies du XXème siècle. Les auteurs vont même souvent devenir des dialoguistes de films : Ainsi  André Roussin (1922-1991) : "Soldat inconnu, connais pas ... comme si vous me parliez peau-rouge. Et encore, les Peaux-Rouges, ils ont le bon goût d'enterrer la hache de guerre. Nous, c'est le guerrier qu'on enterre, mais le matériel, on le conserve". Rappelons-en quelques succès : La petite Hutte (1947), Lorsque l'enfant paraît (1951), la voyante (1963), La Vie est trop courte (1982), La petite chatte est morte (1987).
Il faut ici accorder une place spéciale à une femme qui va - enfin - connaître la notoriété et pouvoir, en quelque sorte, venger toutes ses consœurs ; voyez donc le titre de certaines de ses pièces : Les Bonshommes (1970), Un sale égoïste (1977), Si t'es beau, t'es c.. (1977), Monsieur de saint-Futile (1996),... imprégnées du même esprit persifleur, mais dans l'autre sens : " Beaucoup du charme des hommes est fait de l'ennui des femmes ! " Françoise Dorin va aussi renouveler en partie le genre en introduisant des sujets nouveaux comme la santé ou l'écologie, mais - ne vous y fiez pas - toujours pour mieux s'en moquer : " Le vélo, c'est bon pour la circulation, ça fait toujours une voiture de moins ! "
Le théâtre de Boulevard reste très vivant, d'abord parce qu'il est encore très représenté. Rien qu'en 2013, des classiques du Boulevard ont encore connu un franc succès dans les théâtres parisiens : Le Prix Martin de Labiche à l'Odéon, La Station Champ Baudet encore de Labiche au Théâtre Marigny, La Cocotte puis Feu la Mère de Madame de Feydeau au théâtre du Petit Gymnase, Un fil à la patte de Feydeau et ensuite Un Chapeau de paille d'Italie de Labiche à la Comédie-Française, Occupe-toi d'Amélie également de Feydeau à La Michodière, etc... Mais, et peut-être surtout, parce que nombreux sont les auteurs qui continuent d'en écrire de nouvelles pépites : Jean Dell, Jean-Claude Brisville, Gérald Sibleyras, Sébastien Thiery, Florian Zeller dont Une Heure de tranquillité a fait courir le public au Théâtre Antoine, etc...
Entre 1880 et 1890, Courteline invente le "Conomètre", tube transparent gradué contenant un liquide et relié à un tuyau dans lequel un comparse camouflé souffle pour faire monter le liquide dans le tube en fonction du " degré de stupidité " de l'interlocuteur choisi (à son insu) ; il paraît que, parfois, le tube débordait... Ca ne vous dit rien ? Oui, bien sûr, le Dîner de c..s de Francis Veber dont voici un extrait : « - Brochant : Il s'appelle Juste Leblanc - Pignon : Ah bon, il n'a pas de prénom ? - Brochant : Je viens de vous le dire Juste Leblanc - Pignon : ? - Brochant : Leblanc c'est son nom, et c'est Juste son prénom - Pignon : ?? - Brochant : Monsieur Pignon, votre prénom à vous, c'est François, c'est juste ? - Pignon : Oui - Brochant : Et bien lui, c'est pareil, c'est Juste - Pignon : ??? »
On a parfois appelé le Théâtre de Boulevard, le théâtre du désenchantement, mais ce désenchantement ne serait-il pas l'expression d'une tendresse déçue pour le genre humain ? A plusieurs reprises dans le Dîner de c..s, on voit poindre ce regard bienveillant pour les hommes et leurs faiblesses. Quant à Philippe Soupault, il considérait que le Théâtre de Boulevard appartenait au Surréalisme, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il aurait précédé le Théâtre de l'Absurde. Pour Paul Claudel, qui a lui-même écrit une pièce s'apparentant au Théâtre de Boulevard, même s'il la situe dans l'Antiquité sur " l'île flottante " de Naxos (Protée - jouée le 29 janvier dernier au théâtre de Vevey), le Théâtre de Boulevard est à la fois " comique et cosmique ", un extraordinaire divertissement où le bouffon et le lyrique s'entremêlent et passent de l'un à l'autre sans transition. Pour Ladislas Chollat (metteur en scène de Une heure de tranquillité), il s'agit avant tout d'un genre de l'immédiateté. Dans tous les cas, dans la pièce de Boulevard, c'est le " bon mot " qui prime, c'est-à-dire le trait destiné à faire mouche, ce qui permet le plus souvent et une fois de plus à la langue française d'occuper le devant de la scène, tandis que, comme nous venons de voir, l'inspiration qui l'irrigue reste encore marquée par son origine et en demeure donc fortement courtelinesque.

 Alain Sulmon

Coup de gueule à Havas Voyage

Monsieur,
C’est avec consternation que j’ai découvert sur la vitrine d’une de vos agences une affiche en gros titres avec la phrase suivante :  « Découvrez la croisière qui vous ressemble grâce à votre travel planner ». Intrigué, je suis rentré dans l’officine pour constater que son personnel était également affublé (et étiqueté) du titre effarant  de « travel planner ».
Puis-je vous tout d’abord rappeler que l’utilisation de tels anglicismes relève d’un véritable incivisme linguistique répréhensible au titre de la loi Toubon ?
Puis-je vous faire observer que ce type de langage s’identifie à un pédantisme dénoncé déjà en son temps par Molière dans Les Précieuses Ridicules ?
Permettez-moi de citer encore le journaliste François Cavanna qui a écrit à l’intention de gens comme vous : « Ce qui m’enrage, c’est l’avalanche, c’est l’emploi systématique et prétentieux d’un arrogant baragouin américanisant » (Mignonne, allons voir si la rose…, p. 126). Il s’en indigne (p. 15) : « C’est mépriser le français que de préférer à ses mots des mots étrangers, c’est avoir honte de sa propre langue, et donc honte de ce qu’on est soi-même, que de se gargariser de vocables américains ». Le philosophe Michel Serres dénonce également cette pratique ignominieuse : « Il y a plus de mots anglais sur les murs de nos villes qu’il n’y avait de mots allemands pendant l’occupation. Par conséquent, qui sont les collabos ? » et il lance un « appel à la grève » des magasins concernés.
C’est donc la démarche que nous proposerons à nos adhérents et à nos sympathisants sur nos sites et dans nos publications pour « faire la grève » de vos agences, sans préjudice d’éventuelles poursuites judiciaires, tant que vous vous obstinerez à poursuivre vos incivilités langagières.
Je vous prie de croire, Monsieur le directeur, en mes sentiments profondément indignés.

Alain Sulmon

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