Promotion et rayonnement de la langue française.

Maintenir la qualité de notre langue, sans laxisme ni purisme.

ECOLOGIE

L’ECOLOGIE  CHANGE  PARFOIS  DE  COULEUR …
 …même si ordinairement sur cette voie, pour avancer, « on passe au vert » ! Mais, parfois, du blanc  peut s’y mêler…
La délicieuse conclusion offerte par Alain SULMON (D.L.F. du Gard) dans son dernier article Quand le français donne de la voix, nous renvoie à ce que nous définissons comme étant un pilier de notre langue, « La langue de chez nous ».
Or nous savons pertinemment qu’une langue est l‘expression d’une culture…
Pour saisir l’intention qui m’a guidé dans cet article sur une écologie culturelle, article qui entend nous aider dans notre réflexion comme notre combat commun, il a semblé utile de préciser d’abord ce que nous pouvions comprendre dans le concept de culture, souligner ce qui en fait le caractère particulier, irremplaçable, avant d’entendre un défenseur, et pas des moindres, de l’écologie culturelle.
Sans prétendre être exhaustifs, accordons-nous déjà sur quelques composantes de la notion de Culture.
Entre autres choses, nous pourrons retenir qu’une culture est d’abord ce qui est propre à l’homme, non seulement dans sa capacité à communiquer et à s’exprimer, mais aussi, à côté de ce qui est nature ou de nature, tout ce qu’il apprend, transmet, produit, crée… La culture constitue aussi un ensemble de traits distinctifs, spirituels, intellectuels, affectifs et matériels, élaborés au sein d’un groupe social, au point de le caractériser. Il se rapproche alors de l’idée de « civilisation ».
Alors, à ce titre, une langue, expression d’une civil-isation, constitue un trésor de valeurs qui ont rendu et peuvent encore rendre l’Homme plus « civil », plus urbain, plus poli, plus « civilisé », disons plus « humain » !
A côté des sciences et des techniques, la culture, englobe les arts, les lettres, les traditions et les croyances…
Aussi, de par notre Association, D.L.F. nous entendons « Défendre », par conséquent, protéger quelque chose de prix, de valeur, un trésor qui se trouve ou pourrait se trouver menacé, en l’occurrence, la Langue Française, maternelle pour les uns, adoptée pour un grand nombre, à travers le monde.
Tous, nous pourrions aujourd’hui emprunter aux REGRETS de J. Du Bellay, et affirmer avec une légère altération que nous eût sans doute pardonnée l’auteur de la Défense et Illustration de la Langue française :
                                Langue, « mère des arts, des armes et des lois
                          « Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle.            (Regrets, IX)
A longueur de discours, d’émissions de toute sorte, nous sommes agressés, mitraillés de termes d’origine anglo-saxonne, sans que, la plupart du temps, il y ait la moindre nécessité. Vous le savez et je ne veux pas développer un lieu commun. Mais nous percevons alors un jargon imprécis, aux termes passe-partout, ordinairement mal prononcés, employés avec grande confusion de la part des locuteurs… On ne comprend pas toujours l’interlocuteur qui mâchouille, (is chewinging !!!) des contresens… Mais ça fait bien !
           Notre refus de l’invasion sauvage d’anglicismes aussi inutiles la plupart du temps que mal perçus, ne signifie aucunement obscurantisme.
Au contraire, nous estimons que les langues étrangères doivent être respectées et non déformées, même si les sonorités nous semblent pas toujours des plus familières ou des plus agréables.
Ces langues sont aussi porteuses de trésors cachés, « originaux ». Et pour les découvrir, en goûter la substantifique moelle, il faut rompre l’os et s’astreindre à des années de travail…,   afin d’en sentir la finesse et leurs nuances intraduisibles!
Pardonnez-moi une confidence. Mon travail d’enseignant comme mes loisirs m’ont permis de fréquenter l’université comme étudiant, pendant près de vingt-cinq années. A côté du français, j’ai pu au sens étymologique… travailler, un petit nombre de langues étrangères. Non seulement je les ai parfois enseignées, mais j’ai pu goûter par le dedans des contenus discrets, voire secrets, que les traductions ne sauront jamais nous rendre
                                          « Tradutore, traditore »
« (Le) traducteur (est un) traitre ». En traduisant, je sens très bien que déjà je suis en train de dégrader une belle paronomase populaire, facile à mémoriser, en italien, et  aussi d’en affaiblir le côté percutant…
Par exemple, est-ce que notre « salut » au sens actuel, traduit bien le « Grüss Gott » allemand ou le Szczec Boze polonais ?...
           Abandonner la langue française, élément de culture irremplaçable, pour un salmigondis qui se voudrait linguistique, c’est renoncer à accéder aux profondeurs de cette âme humaine que tant d’auteurs de qualité nous ont présentées d’une manière unique, dans leur immense complexité. C’est renoncer à pouvoir s’enrichir, s’affiner en se rendant plus « civils », plus cultivés, plus « soignés »… Les classiques sont irremplaçables… On nous envie à l’étranger Racine, La Fontaine, Molière… et combien d’autres génies qui ont su illustrer nos passions, nos propres faiblesses, nos propres contradictions… pour que nous puissions nous en défaire !
On pourrait conclure cette étape préliminaire en écoutant Goethe :
                          Des Volkes Seele lebt in seiner Sprache. (L’âme d’un peuple vit dans sa langue)

Le moment est venu  d’écouter un écologiste assez particulier au sujet de la culture : il est blanc ! Il s’agit du pape François… qui nous a gratifié d’une encyclique LAudato si pour la plus grande joie, éphémère… de ceux qui en avaient fait rapidement des louanges, sans doute sans l’avoir lue… Ou bien nous n’avions pas les mêmes textes ou les mêmes traductions! (on y trouve quelques piques contre certains comportements « soi-disant verts »… )-on respectera la traduction avec le soi-disant au lieu de « prétendus »…)
Le souverain Pontife consacre trois paragraphes importants à L’écologie culturelle. C’est pourquoi  Il nous fallait d’abord préciser ce que nous pouvions mettre dans ce concept de culture. Pensant que ces textes ne vous étaient sans doute pas des plus familiers, et que parfois le doute ou le découragement pouvait nous assaillir, j’ai pensé pouvoir éventuellement « conforter » certains (et vous connaissez le vrai sens de ce mot !) et surtout apporter de l’eau à notre moulin en vous livrant quelques extraits des paragraphes 143- 144- 145 de la traduction française de la conférence des évêques de France. (C.E.F.)
S’adressant à « tous les hommes de bonne volonté », le pontife souhaite que
           « nous soyons des protecteurs du monde et non des prédateurs, pour que nous semions la beauté et non la pollution et la destruction ».
Il a pris soin  de développer les différentes composantes de ce qui constitue  « la maison (oikos)  nous a été léguée et dont nous sommes devenus pour un temps responsables ».
§ 143 : … « L’écologie suppose aussi la préservation des richesses culturelles de l’humanité au sens le plus large du terme.
           « Il y a avec le patrimoine naturel, un patrimoine historique, artistique et culturel, également menacé. IL fait partie de l’identité commune d’un lieu et il est une base pour construire une ville habitable. Il ne s’agit pas de détruire ni de créer de nouvelles villes « soit-disant » plus écologiques […] Il faut prendre en compte l’histoire, la culture et l’architecture d’un lieu en maintenant son identité originale. Voilà pourquoi l’écologie suppose la préservation des richesses culturelles de l’humanité au sens le plus large du terme. D’une manière directe, elle exige qu’on fasse attention aux cultures locales, lorsqu’on analyse les questions en rapport avec l’environnement, en faisant dialoguer le langage scientifique avec le langage populaire. »
§ 144 : La vision consumériste de l’être humain encouragée par les engrenages de l’économie globalisée actuelle tend à homogénéiser les cultures et à affaiblir l’immense variété culturelle qui est un trésor de l’humanité.
…Les nouveaux processus en cours ne peuvent pas toujours être incorporés dans les schémas établis de l’extérieur, mais ils doivent partir de la culture locale elle-même.
La culture du monde doit être flexible.[…] Il faut y inclure la perspective des droits des peuples et des cultures et comprendre que le développement d’un groupe social suppose un processus historique dans un contexte culturel, et requiert de la part des acteurs sociaux un engagement constant en première ligne, à partir de leur propre culture.
§ 145 :  […] La disparition d’une culture peut être aussi grave que la disparition d’une espèce animale ou végétale. L’imposition d’un style de vie hégémonique lié à un mode de production peut être aussi nuisible que l’altération des écosystèmes.
[…] La terre n’est pas (pour ces communautés) un bien économique, mais un don de Dieu et des ancêtres qui y reposent, un espace sacré avec lequel elles ont besoin d’interagir pour soutenir leur identité et leurs valeurs.

        Après ces paroles solennelles, on s’abstiendra de commentaires. Peut-être nous éclairent-elles davantage ? En tout cas, elles nous incitent clairement à demeurer des acteurs sociaux constamment engagés en première ligne, dans un combat pacifique mais ferme, à « interagir » pour le bien de nos contemporains comme pour celui de ceux qui pourront jouir après nous de l’héritage patrimonial qui pour un temps, nous a été confié, afin de l’enrichir et le transmettre.

Y. B.

La chanson française

      
     
      Quand le français donne de la voix

S'il est un genre d'expression populaire, c'est bien la chanson, que l'on retrouve d'ailleurs dans toutes les langues et dans toutes les cultures. La chanson française a cependant une place à part, d'abord parce qu'elle jalonne pratiquement tous les évènements de notre histoire : ne dit-on pas qu’ « en France, tout finit par des chansons » ? Du Bon Roi Dagobert au Chant des partisans de la seconde guerre mondiale, en passant par  Ah, ça ira, ça ira, ou La Carmagnole, ou encore Le Chant du départ de la révolution française,  Auprès de ma blonde chanté par les armées napoléoniennes, le Temps des Cerises la chanson fétiche des communards, sans oublier la Marseillaise ou L'Internationale, et encore La Madelon et la chanson de Craonne pour la grande guerre, la colonisation avec La casquette du père Bugeaud, la chanson française marque non seulement les événements de notre histoire mais aussi les espaces de nos contrées par ses refrains régionalistes : Ils ont des chapeaux ronds, Vive la Bretagne, Ils ont des chapeaux ronds, vivent les Bretons ! - Et je suis fier, et je suis fier, et je suis fier d'être bourguignon !  - sans oublier le p'tit Quinquin ou La Brabançonne, etc., etc., bref on n'en finirait pas de lister ces chansons identitaires.
Il existe cependant une amnésie française, une sorte de trou noir de la mémoire collective. Quand on parle de chanson française, on pense bien sûr à Edith Piaf, à Charles Trenet, à Tino Rossi, à Jacques Brel, à Georges Brassens, à Jean Ferrat, à Léo Ferré, Barbara, Charles Aznavour, Gilbert Bécaud, etc., comme s'ils étaient les précurseurs, les représentants uniques de la chanson française alors qu'ils sont en réalité les successeurs, ou mieux, alors qu'ils  incarnent des étapes d'une très longue histoire, et d'une histoire éminemment populaire. "En ce début du XXIéme siècle, les francophones ne savent plus qu'ils furent le principal berceau d'une création urbaine destinée à conquérir le monde : l'art de la chanson transformé, notamment par la vie parisienne, en genre à part entière" écrit René Duteurtre dans Soixante-dix ans de café-concert (éditions Les Belles Lettres).
Le terreau de la chanson française est certes d'abord une expression collective, comme nous venons de le voir, mais elle va progressivement passer à l'individualité à partir d'un événement considérable presque complètement oublié : La reconnaissance des droits d'auteur (chère à Beaumarchais) et sa conséquence directe, la création de la SACEM en 1851 (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique). A compter de cette date vont apparaître des chanteurs et des compositeurs qui récupéreront les fruits de leur notoriété et de leurs créations en espèces sonnantes et trébuchantes. On imagine mal le succès - y compris mondial - de certaines de ces vedettes et les invraisemblables fortunes qui en résulteront. Prenons un seul exemple avec le chanteur Félix Mayol (1872 - 1941) aujourd'hui presque oublié malgré quarante ans de succès ininterrompu (La Paimpolaise, La Cabane bambou, Viens Poupoule, La Matchiche, Les mains des femmes,...). Il achète sur ses deniers une salle de spectacle parisienne à laquelle il donne son nom Le Concert Mayol et il fait construire à Toulon un stade de rugby de plusieurs dizaines de milliers de places, qui prend son nom Stade Mayol et qui est toujours en exercice. Imagine-t-on aujourd'hui une vedette de la chanson bâtir sur ses fonds propres un stade dans sa ville natale ?
Une tradition prend forme avec des chanteurs comme Mireille et Jean Nohain : Couchés dans le foin, Ce petit chemin, Puisque vous partez en voyage,... Et la poésie s'installe progressivement dans la chanson française avec Jacques Prévert mis en musique par Joseph Kosma : Les Feuilles mortes, Barbara, Les enfants qui s'aiment, Deux escargots vont à l'enterrement, etc. toutes chansons interprétées, entre autres, par Les Frères Jacques, qui chanteront aussi Pierre Mac-Orlan ou Raymond Queneau. Même Jean-Paul Sartre ne dédaignera pas d'être mis en musique
Tout ce qui se fait de mieux dans la chanson française va défiler, après guerre, par les cabarets de la Rive gauche ou à Saint Germain des prés : L'Ecluse, Le Tabou, La galerie, Le Vieux Colombier, Le saint Germain, L'Alcazar, Les Deux Magots, La Contrescarpe, la Colombe,... et bien d'autres. Si on cite quelques-uns de ces chanteurs, on découvre qu'un vrai miracle s'est produit à cette époque : Brassens, Ferré, Brel, Francis Lemarque , Boby Lapointe, Barbara, Jean Ferrat, Anne Sylvestre , Ricet Barrier, Maurice Fanon, Pia Colombo, Patachou, Juliette Gréco, Mouloudji, Boris Vian, Guy Béart, Philippe Clay, Jean-Roger Caussimon, Georges Moustaki, Serge Reggiani, Maxime Le Forestier... et bien d'autres encore aussi. Mais quel est ce miracle ? Eh bien tout simplement la langue française va devenir première (une fois de plus !) et s'imposer à la musique. Claude Nougaro exprime parfaitement ce renversement de valeur lorsqu'il déclare "Dès l'adolescence, j'ai signé un pacte avec les mots pour les faire chanter". Ce qui va désormais caractériser la chanson française dans le monde entier, c'est que les mots vont prendre le pas sur les notes, et l'émotion sémantique sur l'émotion musicale. La mélodie sera au service du texte qu'elle va porter, et non l'inverse, comme c'est généralement le cas. Ecoutons à ce sujet l’alchimiste des mots, Georges Brassens, lors d’un entretien accordé au journaliste Philippe Nemo dans les années soixante-dix : « Quand j’ai écrit les paroles d’une chanson, je compose ensuite sept ou huit musiques et je garde celle qui tient le coup le plus longtemps… Ma musique doit être « inentendue » comme de la musique de film ; il ne faut pas qu’au moyen d’artifices musicaux, je détourne l’attention du texte. Il faut que mes chansons aient l’air d’être parlées ». Et ce qui est extraordinaire, c'est que ce phénomène va s'étendre à l’ensemble de la francophonie. Les chanteurs québécois Félix Leclerc, Gilles Vigneaut, Jean-Louis Ferland, Robert Charlebois, Linda Lemay, pour ne citer qu'eux ... ou belges Jacques Brel, Adamo, Julos Beaucarne, Soeur Sourire, ... illustrent cette étonnante convergence de la primauté du texte sur la musique, au-delà des mers ou des frontières, avec pour constante « la magie du mot et du verbe pour tout décor » (Jean Ferrat, chanson à Brassens). Dans un entretien récent avec le journaliste Arnaud Folch, Charles Aznavour en plaisante : « Les gens viennent me voir pour mes textes, pas pour ma voix ».
            On pourrait illustrer ce phénomène par des milliers d'exemples ; on se contentera de rappeler le très grand nombre de poèmes mis en musique par ces compositeurs. Comme le dit encore Brassens : « Le rythme de la chanson française, c’est le même rythme que le vers français ». En voici quelques exemples : Que sont mes amis devenus ? de Rutebeuf par Léo Ferré, Le Petit Cheval de Paul Fort, Gastibelza  de Victor Hugo, A Mon Frère revenant d'Italie de Musset, Les Passantes d'Antoine Paul, Pensée des Morts de Lamartine par Brassens, ceux de Louis Aragon par Jean Ferrat : J'entends, j'entends - Que serais-je sans toi ?-  Un jour, couleur d'orange, etc. Il suffit d'écouter chanter Catherine Sauvage, Monique MorelliHélène Martin, Catherine Ribeiro, Cora Vaucaire ou Francesca Solleville (et combien d’autres) pour découvrir une véritable anthologie de la poésie française.
Cette tradition de la chanson à texte  perdure-t-elle ? Eh bien oui, même si la chanson française a moins la faveur des médias. Citons quelques chanteurs actuels  (parmi d’autres) connus pour cela : Grand Corps Malade, Jean-Sébastien Bressy, Claudio Capéo, Stromae (grande médaille de la francophonie 2016 attribuée par l’Académie française), Vianney, les rappeurs I AM, Abd al Malik, Passi, MC Solaar, Oxmo Puccino, Gaël Faye (également prix Goncourt des lycéens 2016 pour son premier roman !), sans parler de la jeune auteure d'origine lituanienne GiEdré qui déclare chanter en Français parce que "c'est la langue qui possède les plus jolis gros mots" (sic !).
Pour le plaisir et pour illustrer combien la chanson française  recèle une part de la beauté du monde, finissons par un extrait de La langue de chez nous d’Yves Duteil.

                                    « C'est une langue belle avec des mots superbes
                                      Qui porte son histoire à travers ses accents
                                      Où l'on sent la musique et le parfum des herbes
                                      Le fromage de chèvre et le pain de froment.

                                       Et du Mont-Saint Michel jusqu'à la Contrescarpe
                                       En écoutant parler les gens de ce pays
                                       On dirait que le vent s'est pris dans une harpe
                                       Et qu’il en a gardé toutes les harmonies ».

Alain Sulmon,
Délégation du Gard