Le prix Nobel de
littérature, comme les autres prix Nobel, a été créé en 1901 et c’est
traditionnellement au mois d’octobre de chaque année qu’il est attribué. La langue française y a été maintes fois distinguée puisque non
seulement la France est le pays qui a reçu le plus grand nombre de prix Nobel
de littérature, mais aussi parce que la langue française tient une place
spécifique dans l’histoire de ce prix.
Le premier prix Nobel, celui de 1901 a été attribué à un Français, le
poète René-François Sully-Prudhomme ( mis en concurrence, cette année-là, avec un autre
écrivain français Emile Zola ;
il n’est pas sûr que le jury du prix Nobel ait fait le meilleur choix…) et c’est
le début d’une étonnante série qui va récompenser des écrivains francophones :
en effet, sur les cent-dix prix Nobel de littérature attribués à ce jour (six
années ont été "blanches", principalement pour cause de guerre),
quinze l’ont été à des écrivains français avec, par ailleurs, quelques particularités
surprenantes.
Notons déjà un cas unique : deux lauréats portent le même nom, Mistral !
Le second, ou plus exactement la seconde, Gabriela Mistral (de son vrai
nom Lucila de Maria del Perpetuo Socorro Godoy Alcayaga, de nationalité
chilienne) est la première écrivaine sud-américaine à obtenir le prix Nobel en 1945 ;
elle avait décidé d’adopter ce patronyme de "Mistral" en hommage à notre poète provençal Frédéric Mistral,
lui-même prix Nobel de littérature en 1904.
Autre particularité : Henri Bergson en 1927 se voit décerner
le prix Nobel alors qu’il n’a écrit aucune œuvre de fiction, c’est-à-dire aucun
roman ou aucune pièce de théâtre, ni aucune œuvre poétique ; il n’a produit
que des œuvres philosophiques et sa distinction fit sensation, au moins autant
que le choix du chanteur américain Bob Dylan en 2016.
Encore une singularité : un seul écrivain a osé refuser le prix, il
s’agit aussi d’un Français, Jean-Paul Sartre en 1964 (en réalité il y
avait eu un précédent en 1958 puisque le russe Boris Pasternak, l’auteur du Docteur
Jivago, en avait été empêché par le régime soviétique mais ce refus n’avait
évidemment rien d'un libre choix).
Deux autres "purs" poètes d’expression française ont été
primés, ce qui reste rarissime : le Belge Maurice Maeterlinck en 1911
(donc un seizième prix pour un écrivain francophone) et le Français Saint-John
Perse (de son vrai nom Alexis Léger) en 1960.
Enfin des écrivains d’origine non-francophone ont été distingués pour
leurs écrits majoritairement ou partiellement en Français : ainsi l’Irlandais Samuel
Beckett en 1969 pour son œuvre théâtrale (et voilà un dix-septième lauréat
pour la langue française !) : En attendant Godot ou Oh, les
beaux jours !, pièce toujours jouée actuellement à Paris, ou encore le
Français d’origine chinoise Gao Xingjian (naturalisé en 1997) primé en
2000 (c’est donc encore un écrivain français qui reçoit le dernier prix Nobel
de littérature du 20°) pour son œuvre écrite en chinois et en français. C’est
un très grand honneur pour notre culture que le premier écrivain d’origine
chinoise à obtenir le prix Nobel de littérature ait choisi la langue française
pour s’exprimer.
Au-delà de ces distinctions que l’on pourrait considérer comme anecdotiques
s’il n’y avait un effet d’accumulation, ce sont souvent de nouveaux mouvements
littéraires qui naissent au 20°siècle par le biais de la langue française,
mouvements qui vont tout autant bénéficier d’une reconnaissance internationale.
Ainsi le Surréalisme naît-il sous la plume d’écrivains qui vont inventer une
nouvelle forme d’écriture (André Breton, Robert Desnos, Paul Eluard, Blaise Cendrars,…
pour ne citer qu’eux…). Le genre romanesque, quant à lui, va connaître une
véritable évolution et, si le Prix Nobel a couronné des romanciers
"classiques" dans la première moitié du siècle : Romain Rolland
en 1915, Anatole France en 1921, Roger Martin du Gard en 1937, ce
sont des auteurs approfondissant de plus en plus la dimension psychologique ou
philosophique du roman qui vont ensuite être primés : André Gide en
1947, François Mauriac en 1952, Albert Camus en 1957, Jean-Paul
Sartre, déjà cité, en 1964, jusqu’à couronner Claude Simon en 1985,
un représentant de l’école du "Nouveau roman" (La route des
Flandres,…).
Les deux derniers «nobélisés» français l’ont été en 2008 avec JMG
Le Clézio (J.M.G. pour Jean-Marie Gustave) et en 2014 avec Patrick
Modiano; Le Clézio, polyglotte né
à l’île Maurice un (petit) pays qui a été deux siècles durant un Dominion,
c’est-à-dire une
colonie anglaise, et dont la langue officielle est l’anglais, a fait le choix
d’écrire en français. Quant à Patrick
Modiano, il est d'ores et déjà considéré par certains comme le Marcel
Proust du 21° siècle.
Bien d’autres auteurs d’expression française ont marqué notre époque
sans obtenir pour autant le prix Nobel. Plusieurs écrivains français l’ont
"raté" alors qu’ils ont apporté une nouvelle dimension littéraire à
l’écriture ; on peut en citer au moins cinq : Marcel Proust et Antoine
de Saint-Exupéry, promis au Nobel mais morts trop tôt, Céline devenu
un écrivain maudit à cause de ses positions antisémites (mais lisez ou relisez Voyage
au bout de la nuit), Louis Aragon, sans doute trop marqué
politiquement, ou encore Georges Bernanos, sans doute trop marqué
spirituellement.
Du point de vue littéraire, le
20° siècle aura été flamboyant pour notre langue et les prix Nobel qui ont
récompensé des écrivains français ou francophones ne représentent en réalité
que la pointe avancée d’une pyramide large et dense. Nombreux sont ceux en
effet qui ont apporté une contribution inestimable à l’évolution et à l’enrichissement
de la littérature et de la pensée universelles.
Version 08/2017
Alain Sulmon,
Source wikipedia
Délégation du Gard