Défense de
la langue française Le
27 février 2017
Délégation
du Gard
39A chemin
de l’Usclade Monsieur le Président du CSA
30340 Saint
Privat des Vieux Tour Mirabeau
dlf.gard@gmail.com 39 – 43 quai André Citroën
75739 – Paris cedex 15
Monsieur le Président,
Le temps
semble venu de manifester l’irritation de beaucoup de Français devant les
dérives de nombreux médias audiovisuels, et notamment de chaînes de télévision,
quant à l’utilisation invraisemblable et innombrable d’anglicismes, au point
qu’on peut parler d’un véritable incivisme linguistique généralisé. Certains
soirs, par exemple, plus de la moitié des émissions proposées sur les chaînes
portent un titre anglo-saxon : Super
Nanny, The voice, News non-stop, Newsroom, Actuality, NCIS, Soundbreaking,
Elementary, Cash Investigation, etc., etc.
Non seulement les noms des
émissions anglo-saxonnes ne sont plus traduits en français mais des émissions
bien françaises sont maintenant affublées de titres américanisants, sans parler
des anglicismes abusifs qui ponctuent constamment les échanges, les
commentaires, les dialogues à l’intérieur même de ces émissions ou des
publicités, traduisant un mépris éhonté de notre langue comme l’écrivait
François Cavanna : « Ce qui
m’enrage, c’est l’avalanche, c’est l’emploi systématique et prétentieux d’un
arrogant baragouin américanisant » (Mignonne, allons voir si la
rose…). Et d’y ajouter : « C’est
mépriser le français que de préférer à ses mots des mots étrangers, c’est avoir
honte de sa propre langue, et donc honte de ce qu’on est soi-même, que de se
gargariser de vocables américains ».
Face à cette
situation, que fait donc le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ? On a le
sentiment d’une passivité, d’une inaction, d’un silence assourdissant,
hautement condamnables.
Comme
l’affirmait récemment le philosophe Michel Serres: « Il y a plus de mots anglais sur les murs de
nos villes (et sur nos écrans) qu’il
n’y avait de mots allemands pendant l’occupation. Par conséquent, qui sont les
collabos ? ». Pourquoi une telle complaisance du CSA qui
confine à la collaboration selon les
termes de Michel Serres ? Est-ce par indifférence, par négligence, par intérêt,
par indignité ? Le CSA porte une lourde responsabilité morale, voire
juridique, vis-à-vis de cette incivilité langagière systématique.
Ainsi que
l’écrivait Jean d’Ormesson dans un de ses derniers livres (Je dirais malgré tout que cette vie fut belle) en parlant de
la France : « Tout semble se
déglinguer de partout. Sa langue surtout, son bien le plus précieux… se défait
de jour en jour… Il faut prendre garde aux mots. Un langue qui faiblit, c’est
un pays qui vacille ». S’élever contre une telle pratique, c’est aussi
lutter contre la vaste entreprise d’asservissement, voire d’abêtissement,
qu’est devenue la télévision. C’est sans doute ce que veut exprimer Arnaud
Upinsky quand il déclare que « La
reconquête de la langue française, c’est la reconquête de l’intelligence ».
Nous avons
tout à gagner, linguistiquement, culturellement, intellectuellement, économiquement,
politiquement dans un sursaut humaniste de respect et de promotion des valeurs
prônées par la francophonie, ne serait-ce que parce que « C‘est blesser un peuple au plus
profond de lui-même que de l’atteindre dans sa culture et dans sa langue” (François Mitterand). Il est tout à fait regrettable qu’un
organisme comme le CSA apporte son concours par son invraisemblable laxisme à
cette véritable et honteuse démarche d’abaissement linguistique. Face à la
gravité de la situation, il est plus que
temps pour lui d’agir le plus vite
possible au risque de laisser s’associer pour toujours les noms des membres actuels
du CSA au refus d’assumer leurs responsabilités et à l’abandon des valeurs humanistes universelles qui
sous-tendent une telle réaction.
Dans
cet espoir, je vous prie d’agréer, Monsieur le président du CSA, l’expression de
mes salutations.
Alain Sulmon,
Défense de la langue française,
Délégation du Gard.